Les solutions de biocontrôle des nuisibles via des médiateurs chimiques ont été mis en avant à l’occasion du salon international de l’agriculture (SIA) lors d’une conférence de presse où Emmanuelle Jacquin-Joly, directrice de recherche à l’Inra, a présenté les différents aspects des recherches sur les médiateurs chimiques et lors du pitch des start-up, vendredi 1er mars, avec l’intervention d’Agriodor.
Les insectes choisissent leur nourriture et leur lieu de reproduction principalement grâce à l’odorat et la gustation. Les chercheurs étudient donc à la fois, le génome, le fonctionnement des récepteurs olfactifs et gustatifs et les interactions avec les plantes hôtes des insectes ravageurs pour mettre au point des méthodes de biocontrôle. Il s’agit notamment de semer la confusion chez l’insecte pour le détourner de son objectif (se nourrir ou s’accoupler par exemple) ou de l’attirer dans des pièges.
La noctuelle du coton dans le viseur
La noctuelle du coton (Spodoptera littoralis) est un papillon de nuit dont les larves sont particulièrement voraces et qui menacent aujourd’hui de nombreuses cultures. En effet, d’abord établie en Méditerranée sur les plants de coton, la noctuelle a la particularité d’être polyphage et elle s’est propagée à l’ensemble de l’Europe, jusqu’en Suède et s’attaque désormais à d’autres cultures horticoles et maraîchères comme les tomates, le maïs, le piment ou les pommes de terre. Les chercheurs ont identifiés les récepteurs olfactifs de la chenille de la noctuelle et ont testé toute une gamme d’odeur sur eux. Plusieurs voies s’ouvrent alors pour trouver des parades à ces ravageurs : créer des bio-olfaticides, c’est-à-dire des molécules qui miment des odeurs et occupent les récepteurs des insectes à la place de molécules habituelles. Cela fonctionne alors soit comme bloquant (l’insecte devient indifférent à l’odeur habituellement stimulante) ou comme boostant (la réponse comportementale est amplifiée). Le travail est fait sur le papillon lui-même ou sur les chenilles. C’est ainsi que les chercheurs ont découvert que les chenilles de noctuelle étaient sensibles aux phéromones sexuelles. Un paradoxe puisque une chenille est par nature immature. Une piste supplémentaire pour concevoir des pièges. Dans tous les cas, l’intérêt de cibler ces récepteurs olfactifs est qu’ils sont très spécifiques. Ils ne ressemblent pas à ceux des herbivores, des mammifères ou à ceux d’autres insectes « utiles » comme les abeilles et s’y attaquer permet donc un contrôle minimisant les perturbations collatérales.
Brevets et start-up à la clé
Ces méthodes de biocontrôle ne sont pas nouvelles, elles sont déjà utilisées en viticulture sur le ver de la grappe par exemple, mais les connaissances fines pour identifier les récepteurs, mettre au point les molécules de synthèse qui vont activer les pièges et les tests in situ ne cessent de s’élargir et ont permis le dépôt de nombreux brevets et la création d’une start-up, Agriodor. Fondée par Ené Leppik et Brigitte Frérot, deux chercheuses de l’Inra, Agriodor commercialise notamment les solutions pour la bruche de la Féverole. Il s’agit pour l’instant d’un système d’alerte de sa présence. Un système de piégeage massif est en développement et devrait voir le jour après avoir été validé par des tests in situ.
Ces recherches d’alternatives aux produits phytosanitaires sont devenues une priorité et vont entrer dans le cadre plus général du programme prioritaire de recherche « Cultiver et Protéger Autrement » qui doit être doté de 30 millions d’euros – en provenance du 3e Programme d’investissement d’avenir. A l’occasion du SIA, l’Inra a remis le rapport qui définit les lignes directrices de ce programme, les appels à projet devraient suivre ensuite au cours de l’année 2019.
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