Avec le plan de relance de 2020 et le plan d’investissement France 2030, la France a engagé des efforts importants dans le but de développer une aviation « plus verte ». Au niveau mondial, des moyens colossaux seront nécessaires pour atteindre l’objectif de zéro émission nette en 2050 et les compagnies aériennes estiment qu’il faudra 1 550 milliards de dollars d’investissements entre 2021 et 2050 !
La motorisation et le carburant comme principaux leviers de décarbonation
La recherche de sources d’énergie alternatives et le développement de nouveaux moteurs sont les principaux leviers technologiques de décarbonation avancés par les acteurs de l’industrie aéronautique.
Mais avant même la prise de conscience des aspects environnementaux, l’amélioration de la motorisation a toujours été un sujet d’intérêt.
C’était déjà le but de Safran (Snecma à l’époque) et General Electric lorsqu’ils lancèrent, en 1974, la co-production du célèbre moteur CFM 56. Dès son entrée en service en 1982, ce moteur, qui reste à ce jour le modèle le plus produit au monde, a ainsi permis aux avionneurs de réaliser des avancées considérables en termes d’économies de carburant et de réduction des émissions (ainsi que du niveau sonore).
Depuis 2016, une nouvelle gamme de motorisation appelée LEAP a fait son apparition. Celle-ci permet de réaliser environ 15 % d’économies supplémentaires.
À l’avenir, de nouvelles technologies de moteurs devraient voir le jour, notamment la technologie Open Rotor, qui permettrait de réduire la consommation en carburant de 20 %.
Au-delà de la motorisation, la recherche de sources d’énergie alternatives est actuellement au centre des préoccupations des industriels.
La propulsion électrique n’étant pas adaptée aux vols moyens et long-courriers, pour de multiples raisons (poids des batteries, bilan ACV, risque d’incendie, etc.), les fameux carburants d’aviation durable (CAD ou SAF), dont la généralisation permettrait de réduire les émissions de CO2 de 45 % d’ici 2050, représentent ainsi une solution de décarbonation prometteuse de l’aérien[1].
Réduire le poids des avions grâce à la fabrication additive et aux matériaux composites
L’essor de nouvelles technologies permet aux industriels d’imaginer des structures et moteurs allégés. En 2022, le groupe Safran a ainsi inauguré un site dédié à la fabrication additive, une des technologies clés de l’allègement qui s’immisce peu à peu dans l’aéronautique.
Si l’allègement des aéronefs a toujours été un sujet d’importance en aéronautique, avant tout pour des raisons économiques et de performance, selon un rapport d’Air France, réduire le poids d’un avion de seulement 1kg permet d’éviter l’émission de 69 tonnes de CO2 chaque année.
C’est la raison pour laquelle l’A350 est composé de matériaux jusqu’à 67 % plus légers (composites et titane), que les sièges sont allégés, de même que la vaisselle utilisée à bord.
Dans un récent webinaire consacré à la décarbonation de l’industrie aéronautique, le Centre Technique Industriel de la Plasturgie et des Composites (CT-IPC) a présenté une multitude d’exemples de projets d’allègement, dont voici une liste non exhaustive.
- Projet ELCOCOS de Latécoère : matériaux composites pour l’allègement des portes.
- Projet INN-PAEK[2] : fabrication de roues à boudin allégées et recyclables.
- Safran Landing Systems : développement d’un atterrisseur conçu par fusion laser sur lit de poudre (SLM) 15 % plus léger.
- Le CETIM vient de remporter les JEC Composites Innovation Award pour la fabrication d’un volet d’aile Krüger en composite thermoplastique recyclable.
Enfin, ces différents projets soulignent également une autre problématique, celle de la recyclabilité des matériaux en fin de vie et notamment des matériaux composites, qui étaient jusqu’à présent en grande partie enfouis ou incinérés.
Le développement d’éléments en composites thermoplastiques recyclables est ainsi en plein essor et le développement d’une filière de recyclage des aéronefs fait également partie des objectifs fixés par la Stratégie Nationale du Transport Aérien 2025.
Au-delà des leviers technologiques : la modération du trafic aérien comme solution à court terme
Des trois scénarii de décarbonation de l’aérien proposés par l’ADEME, le scénario entièrement basé sur une rupture technologique (carburant, moteur, allègement des structures…) serait le plus efficace à moyen et long terme.
En revanche, il ne faut pas attendre de résultats à court terme, puisque les émissions de CO2 ne baisseraient que de 15 % d’ici 2030 dans ce cas de figure.
Aussi, la réduction du trafic apparaît également comme un levier majeur de réduction des émissions de CO2 du secteur aérien. C’est en effet le seul levier disponible à court terme, car applicable rapidement à grande échelle, donc susceptible de produire des effets immédiats.
[1] Ces carburants sont aussi d’excellents candidats pour la décabornation du transport maritime.
[2] ELCOCOS et INN-PAEK sont tous deux financés par le programme européen Clean Sky II.
Cet article se trouve dans le dossier :
France 2030, le pari d'une réindustrialisation décarbonée
- France 2030, un volet décarbonation ambitieux
- Décarbonation des zones industrialo-portuaires : l’exemple de Fos-sur-Mer
- Décarbonation de l’industrie : l’exemple de Novacarb, producteur de carbonate et de bicarbonate de soude
- Un portail web dédiés aux solutions de décarbonation
- L’écologie à la française sera fortement industrielle, annonce Macron
- Allègement des structures et nouveaux matériaux : les autres leviers pour décarboner l’industrie aéronautique
- Cinq leviers pour faire de l’économie circulaire un moteur de décarbonation
- SNBC sous contrainte de ressources : l’électrification, cette filière au cœur de la décarbonation qui repose sur l’utilisation de ressources critiques
- L'expertise des ingénieurs en question
- Thèses du mois : « France 2030, le pari d'une réindustrialisation décarbonée »
Dans l'actualité
- L’avion décarboné made in France bientôt prêt pour le décollage
- Intégrer un moteur électrique dans chaque train d’atterrissage des avions
- Un nouvel avion bas carbone propulsé à l’hydrogène
- De nouvelles usines de production de carburant bas carbone seront mises en service à l’horizon 2026
- Biocarburants pour l’aérien : c’est pour bientôt ?
- Ecomobilité : Ce que l’Europe prévoit pour décarboner les transports
- Vers une nouvelle filière de kérosène synthétique en France ?
- Valoriser de nouvelles matières grâce au traitement par calcination flash
- Une nouvelle approche de fabrication du fuselage des avions en thermoplastique
- Norimat : des pièces fabriquées en 3D grâce au procédé de frittage SPS
- La start-up Bysco valorise le byssus de moule en matières textiles
- Affaire du siècle : vers une astreinte d’un milliard d’euros pour l’État ?
- Le Haut Conseil pour le Climat appelle à une « politique économique d’ampleur »
- Aéronautique : la neutralité carbone passera par des carburéacteurs alternatifs
- Caractériser finement les microstructures des matériaux grâce à l’EBSD
- Le Bourget 2023 vu à travers la presse
- Trois solutions alternatives pour remplacer le procédé de chromage dur
- L’écologie à la française sera fortement industrielle, annonce Macron
- E-fuels : la question de la « neutralité carbone » fait débat
- Le carbone stocké par les forêts a augmenté sur la dernière décennie
- Le potentiel de l’agroforesterie pour réduire le changement climatique
- L’Ademe recommande un déploiement « raisonné » des e-fuels
- Les réseaux, pièce maîtresse pour décarboner le numérique
- Bientôt un Paris-New York en 1h avec un avion hypersonique volant à 6174km/h (Mach 5)
- La filière aéronautique, boosteur de la croissance française
- E-fuels : les projets français se concentrent sur l’aérien et le maritime
Dans les ressources documentaires