« Une partie de l’innovation d’Algopack a été de trouver une molécule naturelle dans l’algue qui se comporte comme les molécules utilisées dans les matériaux pétro-sourcés habituels », affirme Rémy Lucas, fondateur et président d’Algopack. Voilà comment est né un matériau digne du plastique. En plus, « on ne rajoute aucun plastifiant ou aucun autre produit, le matériau est composé à 100 % de cette molécule d’algues », précise le fondateur de l’entreprise.
Les algues utilisées actuellement en France pour les premières applications sont des algues brunes. Cultivées actuellement sur une surface de 12 hectares, 145 nouveaux hectares de culture sont prévus en 2015, à 2,5 km au large de Saint-Malo. Fin 2015, la start-up mutera du format « start-up » à un format « industriel ». « Début 2016, il est sûr que l’on verra les applications sur le marché avec des grandes marques au niveau mondial », prévient R. Lucas.
Une solution mondiale pour remplacer le plastique ?
« On a sécurisé les ressources au niveau mondial : on n’utilise pas d’algues invasives, mais des algues déjà présentes sur les zones », nous précise R. Lucas. « On a testé la matière au Japon, aux États-Unis, en Irlande et les algues qui poussent là-bas sont tout à fait compatibles avec notre process », assure-t-il.
Le process est donc développable partout dans le monde, avec des algues locales non invasives. L’intérêt est aussi d’avoir des unités de production à proximité de la ressource. Beaucoup de pays seraient d’ores et déjà intéressés. « Dans de nombreux pays, la filière pêche souffre, il y a aussi des zones où le poisson commence à se raréfier. Des pays sont en train de réfléchir à la diversification des filières pêches pour faire travailler les pêcheurs qui restent à quai. Développer des filières d’algues permet d’apporter des solutions à l’emploi, tout en respectant la biodiversité des zones », analyse le fondateur d’Algopack. « Le potentiel est vraiment mondial », se réjouit-il.
R. Lucas rêve de voir un jour l’ensemble de l’industrie du plastique passer au plastique à base d’algues. Mais ce ne sera pas pour tout de suite. « Le plastique a mis 50 ans avant d’être vraiment compatible à tous les domaines », rappelle-t-il. Néanmoins, la chimie du végétal va avoir une part de plus en plus importante. « La chimie traditionnelle en Europe est en déclin ; à mon avis, le seul moyen de maintenir l’emploi tout en préservant la biodiversité, c’est d’agir en faveur de la chimie du végétal », analyse l’ancien cadre de l’industrie plastique.
Deux produits pour la transition plastique
L’entreprise propose pour le moment deux matériaux : l’Algoblend, matériau composé à 50 % d’algues et 50 % de plastique et l’Algopack, matériau composé à 100 % d’algues. La capacité de production de l’entreprise est actuellement de 2 400 tonnes par an pour l’Algoblend. Sur l’Algopack, la start-up passe tout juste à une production industrielle : elle devrait avoisiner les 500 tonnes en 2015 et les 2 000 tonnes en 2016.
Ces deux matériaux se présentent initialement sous la forme de granulés, similaires aux « larmes de sirène » des plastiques tradionnels. Transformer de la matière Algoblend, c’est aussi réduire la consommation d’énergie sur les presses. « Pour transformer une granule plastique traditionnelle, les presses chauffent autour de 220 °C ; avec l’Algoblend, nous sommes plus aux alentours de 170 °C », insiste R. Lucas. La matière s’utilise dans les moules et les extrudeuses du marché, sans nécessité d’investissements complémentaires. Elle est apte au contact alimentaire direct, aux normes du jouet, de la puériculture, de la téléphonie…
L’Algopack se développement actuellement sur de petits marchés : horticulture, pots à crayon, pots à bougies… car la matière est totalement opaque et la production est encore faible. L’Algopack ne possède pas encore l’aptitude au contact alimentaire, mais « on est en train de travailler dessus », assure R. Lucas. « Pour empêcher que le matériau se dégrade au contact de la nourriture, on met des laques végétales (coating), comme pour le carton, mais sans plastique », explique-t-il.
En fin de vie, l’Algopack est biodégradable et compostable : « La matière se dégrade en 12 semaines en terre. Cela permet de retrouver l’une des fonctions historiques de l’algue : c’est un fertilisant naturel », se réjouit R. Lucas. Ainsi, en fin de vie, l’objet fertilise la terre, plutôt que de la polluer ! Et s’il finit dans l’eau, il se dégradera en quelques heures, sans polluer.
Côté prix, l’Algoblend demeure plus cher que les matières plastiques habituelles. En revanche, l’Algopack est à un prix similaire. La tonne de granulés d’Algopack est vendue 1 200 €, lorsqu’une tonne de PVC ou PET est vendue 1 000 € et une tonne de polyéthylène ou polypropylène environ 1 300 €.
Comment sont cultivées ces algues ?
Les algues utilisées pour fabriquer ces produits sont des algues brunes. À croissance très rapide, l’algue brune capte du CO2 qu’elle transforme en sucres pour grandir, et ne rejette en mer que de l’oxygène. « On n’utilise ni pesticide, ni engrais, très peu d’eau, alors que beaucoup de « bio-matériaux » issus de ressources agricoles telles que le maïs ou la canne à sucre sont consommateurs d’engrais, de pesticides, d’eau et empiètent sur le foncier agricole », prévient R. Lucas.
En amont de la culture en mer, les algues grandissent en écloserie, en partenariat avec la société C-Weed Aquaculture. « Au bout de 3 semaines environ, les algues sont mises en mer sur de grandes cordres, comme des lignes de piscine et sont tenues par des bouées à la surface », explique R. Lucas. Les algues peuvent alors se développer par photosynthèse. Pour la récolte, il suffit de retirer les cordes de l’eau et de couper les algues. « Il n’y a aucune opération de nettoyage : les cordes sont mises à sécher dans des champs, les algues pourrissent et les cordes peuvent ensuite être réutilisées », annonce R. Lucas.
La nouvelle zone de culture de 145 hectares est située sur la zone Procoq, une zone dédiée à la protection de la ressource en coquillages. Les algues y seront cultivées en semi-surface et les pêcheurs placeront des naissains de coquilles Saint-Jacques sous la culture. « L’intérêt des pêcheurs est d’avoir une zone balisée grâce à la culture d’algues, car elle est interdite à la pêche et à la navigation », assure R. Lucas. « De plus, l’algue a un atout : elle capte le CO2 et renvoie de l’oxygène dans l’eau, ce qui favorise le plancton et donc le développement de nourriture pour les coquillages », prévient-il. Les cordes sont aussi maintenues au fond et accrochées à des récifs artificiels pour que la biodiversité puisse nicher ou se protéger.
Outre la culture de ces algues, il est également possible de valoriser en Algopack les déchets d’algues issus de l’industrie agroalimentaire, cosmétique ou d’ailleurs !
Découvrez Algopack en vidéo : https://www.youtube.com/embed/ucQgBIMIqyM
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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