C’était a priori une bonne idée : utiliser des microalgues pour produire un carburant, et ainsi ne pas gaspiller les terres fertiles à vocation alimentaire. Mais les données issues du retour d’expérience de la R&D sont catastrophiques. L’EROI est inférieur à 1 :1. Autrement dit le contenu énergétique des algocarburants est inférieur à l’énergie qui a été dépensée pour les obtenir.
Il faut beaucoup d’énergie pour cultiver les algues (a fortiori s’il s’agit de cultures en bioréacteurs fermés pour éviter les contaminations microbiologiques), et aussi pour casser les cellules algales et produire les solvants nécessaires à l’extraction de l’huile obtenue. A l’occasion d’une interview pour le média Atlantico.fr, le Jean-Philippe Steyer de l’INRA a estimé que « les moyens technologiques destinés à produire de “l’algocarburant” sont de manière générale plutôt énergivores. C’est pourquoi on peut se demander si le biocarburant peut réellement être considéré comme le domaine de prédilection de l’exploitation des algues ».
Encore plus grave, les quantités de Phosphore et d’eau nécessaires sont gargantuesques. Or les stocks mondiaux en Phosphore sont très limités et l’eau douce est la denrée la plus précieuse pour l’humanité. Il faut entre 32 litres (dans l’hypothèse d’un recyclage intégral de l’eau) et 3 650 litres d’eau par litre d’algocarburant. Contre 2 litres d’eau par litre d’essence. Le Peak Phosphorus est encore plus inquiétant que le peak Oil (pic pétrolier) car le phosphore est indispensable à la croissance des végétaux, y compris ceux à vocation alimentaire.
Dans l’article « Une douzaine de raisons expliquant pourquoi le monde ne tournera pas aux algocarburants », le site EnergySkeptic.com a rassemblé l’ensemble des problèmes que pose la filière. Trouver à la fois un grand site plat (pour installer les bassins), ensoleillé et qui dispose aussi d’une source de CO2 (par exemple une centrale thermique à charbon ou au gaz) et d’une source d’eau, ce n’est pas vraiment aisé.
Alors que le bilan des agrocarburants de première génération est médiocre, celui des algocarburants est catastrophique. Pourquoi donc ExxonMobil s’obstine-t-il dans cette voie ? Juste pour le fun de financer un programme de recherche fondamentale ? C’est probablement plutôt pour de simples raisons de communication en faveur des carburants liquides face à la vague de la voiture électrique à batterie. Les algocarburants confèrent une (fausse) teinte verte aux carburants pétroliers dans lesquels ils sont mélangés. Ce programme de recherche serait alors en réalité qu’une composante d’un programme de Public Relation (PR). Maintenir coûte que coûte l’illusion selon laquelle le moteur thermique aurait de l’avenir.
ExxonMobil et Synthetic Genomics Inc ont modifié génétiquement une souche d’algues pour doubler sa teneur en huiles sans inhiber sa croissance. L’OGM obtenu pourrait contaminer les milieux naturels. Mais les 10 000 barils annoncés pour 2025 (dans 7 ans), soit 1590 tonnes, constituent une goutte minuscule. Le parc automobile français, à lui seul, consomme 50 millions de tonnes de pétrole, soit plus de 30 000 fois plus.
Jean-Gabriel Marie
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