La simulation numérique consiste à simuler de manière virtuelle le comportement d’un phénomène physique réel. L’objectif est généralement d’être le plus fidèle possible vis-à-vis de la réalité. Mais pour répondre aux besoins spécifiques d’industriels et de l’usine 4.0, cette simulation numérique devient interactive. Principal défi à relever : calculer quasi en temps réel différentes interactions afin de s’assurer qu’un cobot est à la fois performant et compatible dans un environnement industriel. Explications avec Alexandre Douin, chef du Laboratoire de Simulation Interactive au CEA-List.
Parcours atypique pour Alexandre Douin. Titulaire d’un doctorat en microélectronique, il a travaillé dans le conseil en innovation puis il a intégré le CEA en 2013 en tant que responsable des partenariats industriels. Cinq ans plus tard, il prend la direction du Laboratoire de Simulation Interactive au CEA-List. Sa double culture, managériale (Executive MBA) et scientifique (avec ce doctorat), lui permet de connaître l’environnement scientifique, mais aussi d’être capable de faire travailler toute une équipe, de gérer un budget et la roadmap scientifique.
Techniques de l’Ingénieur : Comment qualifiez-vous votre travail ?
Alexandre Douin : Au quotidien, le travail en simulation interactive consiste à développer de nouvelles briques technologiques de simulation en exploitant les technologies de la réalité étendue (XR) qui englobe les réalités virtuelle (RV) et augmentée (RA). Ces solutions immersives sont nouvelles. Elles changent la façon dont nous interagissons avec le monde en le couplant à un environnement virtuel. Le cœur de ce dispositif est un moteur de simulation permettant d’intégrer des lois physiques et réalistes dans cet environnement virtuel. Ce qui m’intéresse dans mon travail, c’est de pouvoir utiliser ces technologies à la pointe de l’innovation sur des enjeux qui ne font que grandir avec l’industrie 4.0.
Quels outils utilisez-vous ?
Nous sommes toujours à l’affût de nouveaux composants hardware intégrant des processeurs CPU (Central Processing Unit) et des GPU (Graphics Processing Unit) pour gagner en performances, c’est-à-dire pouvoir accélérer des calculs en fonction des phénomènes physiques que l’on souhaite simuler. Demain, si la physique quantique peut nous permettre d’être plus performants en termes de temps de calcul et de volumes de données, cela améliorera forcément l’expérience de simulation interactive.
Comment les solutions immersives ont-elles évolué ?
Au début, les industriels utilisaient des CAVE (CAVE Automatic Virtual Environnement), c’est-à-dire ces écrans stéréoscopiques qui permettaient d’immerger un utilisateur dans un monde virtuel. Ces solutions étaient très onéreuses. À titre d’exemple, notre plateforme CAVE au CEA-List a coûté 1 million d’euros. Maintenant, les sociétés comme Facebook, HTC ou encore Samsung proposent des casques XR qui coûtent moins de 1 000 euros. Cette baisse des prix a considérablement accéléré l’adoption de ces solutions immersives dans les entreprises. Mais chaque cas d’usage va définir la technologie adéquate, soit la réalité virtuelle, soit la réalité augmentée. Les systèmes vont devenir plus compacts et donc plus agréables à porter. Ils deviendront également plus précis et bénéficieront d’une meilleure autonomie. La technologie évolue très rapidement. Tous les deux ans, il y a une nouvelle génération et un nouveau palier franchi en termes de performances.
Vous utilisez la simulation interactive pour étudier l’ergonomie du poste de travail. Quels sont les objectifs ?
Au sein de notre Factory Lab qui est une plateforme d’innovation à vocation d’« usine à projets » pilotée par des entreprises, nous avons mené un projet appelé SEEROB consacré à la sécurité et à l’ergonomie des postes de travail cobotisés. L’un des enjeux est de s’assurer que le poste répond bien à différentes contraintes et normes avant d’être mis en service. Tant que la sécurité des opérateurs n’est pas garantie, nous ne pouvons pas donner le feu vert. Grâce à la simulation interactive, nous pouvons prouver que cette sécurité est garantie, tout en optimisant l’ergonomie et le temps de cycle de production. Grâce à la réalité augmentée, nous allons même mettre en service le poste de travail et vérifier sur site que tout est optimisé.
Quels profils vous intéressent en particulier ?
Comme nous simulons des environnements avec des robots et des cobots, les profils que nous recherchons sont à dominante robotique et analyse numérique. Le développement logiciel dans différents langages dont le C++ et les mathématiques appliquées sont également des compétences recherchées. Pour répondre à des besoins de plus en plus importants, nous recrutons également des spécialistes en intelligence artificielle (dont le machine learning et l’apprentissage par renforcement). L’enjeu de nos simulations est de plus en plus multiphysique avec des corps rigides ou déformables. Il est donc nécessaire de simuler dans un temps très court, en quelques millisecondes. Pour notre laboratoire, l’IA va donc nous permettre la réduction des modèles de ces lois physiques qui régissent ces environnements et ainsi tenir le temps réel. Et si l’on introduit la notion d’haptique qui adresse le sens du toucher, il faut être capable de faire ces calculs très complexes dans la milliseconde. Sinon, nous perturbons les sens.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE