Comment optimiser la sécurité au sein des aéroports ? Voilà le projet sur lequel travaillent de concert le géant européen de l’aéronautique Airbus et la jeune start-up Koniku Inc., spécialisée en biotechnologie. Depuis 2017, les deux entreprises développent une solution capable de détecter à l’odeur des substances ou engins explosifs. Pour cela, des cellules olfactives sont spécialement programmées pour détecter la présence éventuelle de produits pouvant porter atteinte à la sécurité des aéroports. Celles-ci sont intégrées dans un boîtier de petite taille. Le prototype actuel prend la forme d’un cube de dix centimètres de côté.
Une fois finalisés, ces appareils de détection pourraient notamment être placés à des points de passage stratégiques dans les aéroports. De plus, les faibles dimensions du prototype actuel permettent d’envisager que des policiers ou des agents de sécurité puissent également en être équipés. « Ainsi, les charges explosives pourraient être détectées ailleurs qu’aux classiques lieux de contrôles de sécurité », affirme Julien Touzeau, directeur de la sécurité des produits chez Airbus Americas.
Des cellules programmées comme chez les mammifères
La collaboration entre Airbus et la start-up fondée par Osh Agabi est née en 2017. Pour la firme internationale, les travaux de Koniku Inc. permettent le développement d’une solution inédite en matière de sécurité aéroportuaire. À l’origine, les premiers travaux avaient été réalisés sur des cellules neuronales vivantes, issues du rat. « Aujourd’hui, nous travaillons avec des cellules souches maintenues vivantes, et reprogrammées génétiquement par Koniku Inc. pour avoir un certain comportement », explique Julien Touzeau. Chaque cellule est spécialement programmée pour réagir à un type particulier d’explosif.
De ce fait, le but de Koniku Inc. est d’identifier les bonnes séquences ADN pour provoquer un comportement particulier au sein de la cellule. Dans le cas présent, les ingénieurs recherchent les séquences génétiques qui permettent au chien, dont l’odorat l’un des plus puissants, de reconnaître une odeur donnée. « C’est exactement le même système qui est mis à l’œuvre dans le cerveau et dans le nez des mammifères », explique Julien Touzeau. Une fois trouvée, cette séquence est reprogrammée génétiquement dans les cellules. L’actuelle avancée des travaux permettrait d’assurer la détection de deux types d’explosifs. D’autres travaux sont en cours pour pouvoir étendre cette capacité de détection à d’autres molécules.
Détecter un explosif en moins de dix secondes
Chez tous les mammifères, les composés organiques volatiles stimulent les cellules olfactives. Ce contact provoque un signal électrique dans les neurones. Dans le cadre de la technologie développée par Airbus et Koniku Inc., la cellule va émettre à la place un léger signal lumineux. Un mécanisme se charge alors de capturer les signaux lumineux émis par les milliers de cellules contenues dans l’appareil, et les analyse. Ensuite, ce signal lumineux est retranscrit en un signal électrique, analysé par un algorithme mis au point par Koniku Inc. Aujourd’hui, le prototype n’est pas encore finalisé. « Nous avons encore de nombreuses étapes à franchir avant d’avoir un produit industriel », explique Julien Touzeau.
À l’heure actuelle, le prototype développé par Koniku Inc. et Airbus serait capable de détecter certains types d’explosifs en une dizaine de secondes. « Notre objectif est d’améliorer davantage ce temps de réaction, qui est déjà exceptionnel. À notre connaissance, aucun équipement dans le monde n’est capable de détecter un explosif en moins de dix secondes », déclare Julien Touzeau. Bien que l’entreprise ne souhaite pas communiquer de tarif, Airbus se fixe pour objectif d’aboutir à une solution qui puisse être moins onéreuse que celles actuellement présentes sur le marché.
Premier test en conditions réelles fin 2020
Airbus espère que les premiers résultats concluants seront confirmés lors du premier test en conditions réelles. Ce dernier devrait avoir lieu dans un grand aéroport international au quatrième trimestre 2020. Selon Julien Touzeau, la taille de l’objet commercialisable ne devrait pas excéder le volume de « deux smartphones ». L’objet serait composé d’un réceptacle contenant quelques microlitres d’un liquide dans lequel seraient plongées les cellules. L’énergie équivalente à celle d’une batterie de smartphone suffirait à assurer le fonctionnement de l’aspiration de l’air, qui se retrouverait ainsi au contact des cellules reprogrammées. Airbus ambitionnerait d’équiper chaque aéroport avec plusieurs centaines d’appareils.
Si l’équipement des aéroports pourrait être possible dans un avenir proche, il n’en est pas de même pour les avions. « Pour aboutir à un modèle pouvant être efficace dans un aéronef, il sera nécessaire de prendre en compte davantage de problématiques techniques » concède Julien Touzeau. Cela s’explique du fait des nombreux flux d’air qu’il y a dans ce type d’espace confiné, et des nombreuses sources de pollutions, dont le kérosène et les peintures. Néanmoins, Airbus espère que cette technologie puisse être déclinée pour les appareils volants dans un avenir plus lointain.
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