Sera-t-il bientôt possible pour un usager de concilier sa volonté de réduire son empreinte carbone et son envie de prendre l’avion ? C’est le défi que veulent relever plusieurs entreprises du secteur aéronautique. Aujourd’hui, à cause du « flygskam », qui désigne en suédois la honte de prendre l’avion, de nombreux usagers renoncent à ce moyen de locomotion au nom de leur empreinte carbone. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), un vol Paris Orly-Nice génère 86 kilos de CO2 par passager, contre 2,1 kilos pour le même trajet effectué en train.
Pour pallier ce phénomène, certaines compagnies aériennes affirment compenser l’empreinte carbone de leurs utilisateurs. Ainsi, Air France s’est engagée à compenser les émissions de dioxyde de carbone de tous ses vols intérieurs à compter du 1er janvier 2020. Pour ce faire, la compagnie française investira notamment dans des programmes de conservation de forêts primaires en Amérique du Sud. Cependant, de nombreux acteurs s’évertuent à rechercher des solutions pour réduire l’utilisation de kérosène, et ainsi parvenir à réduire les émissions de CO2.
Changer et alléger les appareils
Lors de l’édition 2020 du Change Now Summit qui s’est tenue à Paris, Barbara Van Koppen, membre du comité exécutif de la compagnie aérienne KLM Royal Dutch Airlines, a concédé que si la compensation carbone peut sembler être une solution de court terme, elle n’est pas pour autant une solution durable pour le verdissement de l’aviation. « L’industrie aéronautique doit investir dans davantage d’appareils plus respectueux de l’environnement, qui consommeraient moins de kérosène », a-t-elle déclaré. Mais pour elle, les acteurs de l’industrie aéronautique ne sont pas les seuls à devoir prendre des mesures fortes : « Les gouvernements ont également leur rôle à jouer, et doivent prendre des décisions. »
Afin d’illustrer l’implication de KLM, Barbara Van Koppen a évoqué Flying-V, un avion aux allures futuristes en forme de V. Sur l’idée d’un étudiant de l’Université technique de Berlin, cet appareil a été développé par des chercheurs aux Pays-Bas, avec le soutien de la firme néerlandaise. L’engin a besoin de 20% de kérosène de moins qu’un appareil classique et possède un fuselage plus léger. Une avancée prometteuse, mais actuellement impossible à commercialiser. De nombreux tests sont encore nécessaires, et le Flying-V ne pourra pas voler avant au moins une vingtaine d’années. À terme, il pourrait faire voyager environ 300 personnes.
Au-delà de ses engagements en termes de compensation carbone, Air France affiche également ses ambitions en termes de réduction de la consommation de carburant. « Nous passerons à une consommation de carburant inférieure à trois litres par passager aux 100 kilomètres d’ici 2030 », affirme Anne Rigail, directrice générale d’Air France. Pour cela, la firme envisage de remplacer 50% de sa flotte par des appareils comme le A220, qui consomme environ 20% de carburant de moins que les modèles employés précédemment.
Le biocarburant, une solution très prisée
KLM Royal Dutch Airlines a annoncé en mai 2019 vouloir investir durablement dans les biocarburants. Pour ce faire, la compagnie aérienne a conclu un accord avec l’entreprise néerlandaise SkyNRG, leader mondial du marché des carburants d’aviation durables. Cette solution permettrait de réduire les émissions de CO2 de 85 % par rapport au carburant traditionnel. À l’horizon 2022, SkyNRG prévoit d’ouvrir une nouvelle usine à Delfzijl aux Pays-Bas. « À partir de 2022, l’usine produira 100 000 tonnes par an, dont KLM achètera 75 000 tonnes. Cela réduira nos émissions de CO2 de 200 000 tonnes par an, ce qui équivaut aux émissions de 1 000 liaisons entre Amsterdam et Rio de Janeiro » explique Pieter Elbers, PDG de KLM. « Je suis fier de notre collaboration pour lancer un projet qui verra le développement de la première unité de production européenne de carburant d’aviation durable », ajoute-t-il.
Air France mise également sur le développement de l’usage de biocarburants. Selon Nathalie Simmenauer, directrice environnement et développement durable chez Air France, cela pourrait permettre de réduire les émissions de CO2 jusqu’à 80% par rapport à l’usage de carburants classiques. Par ailleurs, la compagnie aérienne a annoncé que dès le 1er juin 2020 et pour une durée de seize mois, toutes ses liaisons au départ de San Francisco seraient alimentées par du biocarburant à base d’huile et de graisses non comestibles. Pour mettre au point ce carburant, Air France collabore avec la compagnie pétrolière Shell. « Cette initiative permettra d’économiser environ 6 000 tonnes de CO2 sur le cycle de vie du carburant », indique Air France.
Le biocarburant que la compagnie française utilisera pour ses vols au départ de San Francisco sera produit par la société américaine World Energy. En réalité, il ne s’agira pas de totalement remplacer le kérosène par ce nouveau carburant, mais de procéder à un mix entre les deux, dont les proportions ne sont pas précisées. Anne Rigail se réjouit de la réalisation de ce projet. « Cette initiative que nous lançons en Californie est la preuve que quand les États mettent en place des mesures incitatives, la production augmente et les compagnies aériennes ont les moyens d’agir. C’est un exemple à dupliquer à travers le monde et notamment chez nous, en France », estime-t-elle.
Cet article se trouve dans le dossier :
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