En 2021, la décision du tribunal administratif de Paris avait été qualifiée de « victoire historique » par les quatre organisations menant ce qu’elles qualifient « l’Affaire du siècle ». Grâce à une plainte déposée contre l’État en mars 2019, Oxfam, Greenpeace, Notre Affaire à Tous et la Fondation Nicolas Hulot avaient en effet fait reconnaître par le tribunal que l’État avait manqué à ses engagements climatiques. En cause : le non-respect des budgets carbone de la France dans le cadre de sa première Stratégie nationale bas carbone sur la période 2015-2018.
Dans son jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif donnait jusqu’au « 31 décembre 2022, au plus tard » pour réparer un préjudice écologique de 15 millions de tonnes d’équivalent CO2. Le tribunal avait toutefois rejeté « à ce stade » la demande des ONG d’une astreinte financière de 78,5 millions d’euros par semestre de retard.
Obliger l’État à agir pour réduire ses émissions
Le 20 décembre 2022, les associations ont sollicité le gouvernement pour recevoir l’ensemble des informations justifiant les mesures prises pour assurer l’exécution du jugement. Cette demande est toutefois restée sans réponse. Les quatre ONG ont donc déposé un nouveau mémoire au tribunal administratif de Paris le 14 juin 2023. Elles y dénoncent le fait que « l’État s’est abstenu d’adopter des mesures correctrices spécifiques permettant tout à la fois de réparer le préjudice écologique, et de prévenir son aggravation ».
Les quatre ONG demandent au tribunal de prononcer une astreinte financière de 122 millions d’euros pour chaque semestre de retard. Pour les « neuf premiers semestres de retard déjà cumulés » depuis la fin du premier budget-carbone, elles demandent donc au tribunal administratif de Paris de prononcer une astreinte financière de « 1,1 milliard d’euros ». Et elles l’appellent à prononcer une astreinte supplémentaire de « 122,5 millions d’euros pour chaque semestre de retard supplémentaire ». L’objectif : « forcer le gouvernement à prendre des mesures structurelles pour que la France réduise durablement ses émissions de gaz à effet de serre », expliquent les ONG dans un communiqué.
Une astreinte qui repose sur la « valeur tutélaire du carbone »
Pour définir ce montant, les organisations ont utilisé la « valeur tutélaire du carbone » définie par une commission d’expertise présidée par le haut fonctionnaire Alain Quinet en 2008, puis en 2019. Il s’agit du « prix de la tonne de CO2 fixé par l’État » au-dessus duquel il devient plus cher de réparer l’impact de tonnes de CO2 émises que d’investir pour les éviter en vue d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.
Compte tenu de l’évolution des objectifs, des techniques, et du retard pris dans la nécessaire réduction des émissions, la Commission a proposé en 2019 une évolution linéaire de la valeur tutélaire du carbone, de 54 € en 2018 à 250 € en 2030. Autrement dit, plus l’action climatique est retardée, plus elle coûte cher. La valeur tutélaire du carbone augmente ainsi d’environ 8,17 euros par semestre. Le préjudice écologique correspondant aux 15 millions de tonnes d’équivalent CO2 peut ainsi être évalué à un montant de 122,5 millions d’euros par semestre de retard.
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