Au bout de trois ans de procédure juridique, le tribunal administratif de Paris a donné raison aux quatre ONG réunies sous la bannière de l’Affaire du siècle. L’État devra réparer son « préjudice écologique » d’ici fin 2022.
Le 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris reconnaissait que l’État avait manqué à ses engagements climatiques. Et il prononçait l’existence d’un préjudice écologique. Dans son jugement du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris « enjoint » le Premier ministre et les ministres compétents « de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages à hauteur de la part non compensée d’émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone ».
Le tribunal ajoute que « le contenu de ces mesures relève de la libre appréciation du gouvernement à laquelle il ne lui appartient pas de se substituer ». Ainsi, l’État devra compenser d’ici au « 31 décembre 2022, au plus tard » un préjudice écologique de 15 millions de tonnes de gaz à effet de serre émis. L’État versera en plus 2 000 euros à chacune des associations requérantes. Le tribunal rejette toutefois « à ce stade » la demande des ONG d’une astreinte financière de 78,5 millions d’euros par semestre de retard, en cas d’absence de nouvelles mesures suffisantes pour réparer le préjudice écologique et pour faire cesser à l’avenir son aggravation.
Trois ans d’action pour réparer le « préjudice écologique »
En mars 2019, quatre ONG – Oxfam, Greenpeace, Notre Affaire à Tous et la Fondation Nicolas Hulot – portaient plainte contre l’État devant le tribunal administratif de Paris. Soutenues par une pétition de plus de 2,3 millions de signatures, elles dénonçaient le non-respect des budgets carbone de la France dans le cadre de sa première Stratégie nationale bas-carbone sur la période 2015-2018.
La France avait en effet dépassé ses propres objectifs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 62 millions de tonnes équivalent CO2 sur cette période. Le tribunal rappelle que l’évaluation du préjudice se fait à la date du jugement. Avec une « réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre en 2020 » bien que due « de façon prépondérante aux effets de la crise sanitaire de la covid-19 et non à une action spécifique de l’État », il retient « que le préjudice perdure à hauteur de 15 millions de tonnes équivalent CO2 ».
Le respect de cette feuille de route doit permettre à la France de respecter ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. En l’occurrence, réduire ses émissions de 40 % d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050.
L’État essaie de défendre son action
Lors d’une audience le 30 septembre 2021, la représentante de l’État avait essayé de défendre l’action du gouvernement en mettant notamment en avant le vote récent de la loi Climat et Résilience. Selon elle, la France allait ainsi prochainement se retrouver sur la bonne trajectoire de réduction des émissions. « Ce qui compte, c’est le résultat effectif », avait-elle déclaré.
Alors que le tribunal administratif de Paris n’a pas retenu cet argument, le gouvernement a « pris acte » de la décision. Il se dit « pleinement conscient de ses obligations et de la nécessité de toujours accélérer l’effort climatique », en rappelant à nouveau les différentes actions entreprises, ainsi que l’accélération du rythme de la baisse des émissions depuis le début du quinquennat.
Une présidentielle pour l’action climatique
Les quatre ONG appellent désormais les candidats et candidates à l’élection présidentielle à démontrer, « chiffres à l’appui », comment ils comptent respecter les objectifs climatiques. Elles évalueront ces feuilles de route « avant l’élection présidentielle », promettent-elles.
Cette injonction s’oriente dans la même voie que la décision du Conseil d’État, exprimée en juillet dernier. La plus haute juridiction administrative avait alors ordonné au Premier ministre de prendre d’ici au 31 mars 2021, soit avant l’élection présidentielle, des mesures permettant de respecter ses engagements de baisse des émissions de gaz à effet de serre. La magistrate n’avait pas non plus proposé de mesures spécifiques, estimant qu’il ne revient pas au tribunal de se « substituer à l’exécutif » pour choisir parmi « la multiplicité des réparations possibles ».
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