Parus dans l’édition du 21 Avril du journal Nature, et illustrés par une courte vidéo en anglais, les résultats d’une équipe de recherche composés de chercheurs américains et suisses sont pour le moins encourageants : le polymère qu’ils auraient développé a la faculté de se cicatriser et de se reconstituer, simplement à l’aide d’un peu de lumière.
Une équipe américano-suisse a mis au point un matériau à base d’un polymère, qui serait en mesure de se « soigner » et de se régénérer, lorsqu’on le met en présence d’un type de lumière particulière, mais assez commune. Appelé « polymère métallo supramoléculaire », ce matériau est capable de se liquéfier et de remplir les moindres petites crevasses et trous laissés par les éraflures et rayures en tout genre lorsqu’on le place sous une lumière ultraviolette pendant moins d’une minute, puis de retrouver sa solidité originelle.
« C’est une recherche de matériau ingénieux et évolutif », dit Andrew Lovinger, directeur du Programme polymère à la division Recherche en Matériaux de la National Science Foundation. « Cela montre le caractère versatile et le pouvoir des nouveaux matériaux à base de polymères, capables de faire face à des problèmes technologiques et de servir la société en créant des concepts scientifiques tout à fait applicables », ajoute-t-il.
Un revêtement idéal
Les scientifiques envisagent l’usage dans un futur pas si lointain de leur matériau auto-cicatrisant en premier lieu en tant que revêtement d’objets présents dans la vie de tous les jours, tels que nos voitures, les revêtements de sols ainsi que ceux de nos meubles, voire de nos smartphones. Bien qu’admettant que ce polymère ne soit pas encore prêt à être commercialisé, ils ont désormais montré que le concept fonctionne. Le besoin d’un tel matériau risque d’étendre assez rapidement ses possibles applications commerciales.
« Ces polymères ont un complexe de Napoléon », s’amuse l’un des contributeurs, Stuart Rowan, professeur et directeur de l’Institute for Advanced Materials à l’Université Case Western Reserve, à Cleveland, Ohio. « En réalité petites, les molécules de ce polymère sont conçues pour se comporter comme si elles étaient grosses, en prenant appui sur de faibles interactions moléculaires », dit-il encore.
Les ions métalliques, une glu moléculaire
Plus concrètement, ce nouveau matériau a été créé par un mécanisme connu sous le nom d’assemblage supramoléculaire. Contrairement aux polymères conventionnels, qui consistent en molécules faites de longues chaines de milliers d’atomes, ce polymère est composé de molécules plus petites assemblées dans des chaines de type polymérique, se servant d’ions métalliques comme d’une glu moléculaire, créant ce polymère métallo supramoléculaire.
Bien que semblables sous de nombreux aspects aux polymères habituels, la structure de celui-ci se désolidarise temporairement lorsqu’il est exposé à une intense lumière ultraviolette. Les ions métalliques, sous l’effet du rayonnement ultraviolet, convertissent ce rayonnement en une chaleur extrêmement localisée, faisant passer le matériau à l’origine solide à un état liquide, localement. Lorsque la lumière s’éteint, les molécules se réassemblent et le matériau se solidifie de nouveau, retrouvant ses propriétés de départ.
En utilisant une lumière similaire à celle utilisée par un dentiste pour les plombages, les chercheurs ont réparé des égratignures sur leurs polymères-tests. Où qu’ils aient passé la lumière, les éraflures se sont remplies et ont disparu, telle une coupure sur la peau qui disparaitrait sans laisser la moindre trace, en seulement quelques secondes, chose longtemps fantasmée par les auteurs de science-fiction.
Un gain en précision
Ce qui semble encore plus surprenant est que la durabilité de ce matériau ne semble pas le moins du monde affectée par la répétition de cette procédure. Les tests ont montré que les chercheurs pouvaient érafler puis faire se cicatriser le matériau de manière répétée et au même endroit, sans incidence. En outre, alors que la chaleur a souvent été utilisée pour réparer les matériaux, l’usage de la lumière présente de nets avantages, permettant notamment de pouvoir cibler plus facilement la zone éraflée, en laissant le reste du matériau intact.
Se devant de jongler entre d’évidents impératifs en terme de propriétés mécaniques et la faculté cicatrisante du matériau (les propriétés mécaniques augmentent lorsque les propriétés cicatrisantes diminuent), ils trouvèrent que les ions métalliques dans le rôle de la colle moléculaire étaient le compromis idéal.
Les incroyables perspectives et débouchés qui s’offrent à un tel matériau dans notre vie de tous les jours, motivent les chercheurs à l’améliorer et à rendre sa production à l’échelle industrielle possible, tout en l’adaptant à des besoins spécifiques. Illustrations, explications et une courte interview des chercheurs (en anglais), dans la vidéo qui suit :
Par Moonzur Rahman
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