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Adaptation au changement climatique : la climatisation inévitable à Paris

Posté le 16 juillet 2020
par Matthieu Combe
dans Environnement

Une nouvelle étude s’intéresse à la nécessité de climatiser l’ensemble des bâtiments parisiens en réponse au changement climatique. Comment assurer le confort thermique tout en diminuant l’impact de la climatisation ? Réponses.

Une équipe interdisciplinaire de l’École des Ponts ParisTech, du CNRS, de Météo-France et du CSTB, a voulu savoir s’il était possible de faire face aux canicules à Paris sans climatisation d’ici la fin du siècle. « Nous avons utilisé TEB-SURFEX, le modèle de climat urbain de Météo-France qui simule le microclimat sous l’effet d’îlot urbain, et l’avons couplé avec un modèle énergétique des bâtiments, explique Vincent Viguié, chercheur à l’École des Ponts ParisTech et auteur principal de l’étude parue dans Environmental Research Letters. Nous avons en plus exploré l’évolution du risque de canicule à Paris dans les bases de données de projections climatiques, étudié comment l’urbanisation pouvait évoluer en Île-de-France et exploré différents scénarios de mesures d’adaptation. »

Pour chaque scénario étudié, le modèle a ainsi pris en compte la typologie de la ville – son plan, les types de bâtiments et leurs matériaux, ainsi que l’étendue des espaces verts. Et il a calculé les températures futures dans les bâtiments et dans les rues de la capitale. En absence de climatisation, les mesures d’adaptation peuvent-elles suffire ? « La réponse est non à la fin du siècle », répond Vincent Viguié.

Mettre en place des stratégies d’adaptation

« Alors qu’en 1960-1989, les canicules s’observaient en région parisienne environ tous les 9 ans, à la fin du siècle actuel (2070-2099), une ou deux canicules sont à prévoir chaque année », prévient l’étude. Dans ce cadre, il faut mettre en place des stratégies d’adaptation pour limiter les consommations électriques dues à la climatisation et ses effets sur la température extérieure.

L’étude explore les consommations énergétiques des climatiseurs, l’influence sur la température de l’air extérieur et le confort thermique des bâtiments. Le scénario de référence correspond au scénario d’émission médian du GIEC (RCP 6.0) qui prévoit une concentration en gaz à effet de serre stabilisée à 850 ppm équivalent CO2 après 2100. Il considère la généralisation des climatiseurs dans tous les logements et tous les bureaux, avec une consigne à 23°C en période de canicule. La consommation due aux climatiseurs s’élève alors à 1,1 térawattheure (TWh). « 1,1 TWh, c’est la consommation due uniquement à la canicule qui ne dure que quelques jours par an, prévient Vincent Viguié. Sur un été entier, elle serait en pratique beaucoup plus importante car les habitants ne vont a priori pas utiliser la climatisation qu’au moment de la canicule. »

L’étude explore l’efficacité de trois stratégies d’adaptation pour réduire l’utilisation de l’air conditionné à Paris. La première développe fortement les espaces verts, en les portant à 10 % de la surface de la ville. La deuxième isole les bâtiments et les recouvre de toitures réfléchissantes. La première stratégie permet 2 % d’économies d’énergie, la deuxième 17 %. Le fait de multiplier le nombre de parcs et d’isoler les bâtiments ne suffit pas pour pouvoir se passer de climatisation. La dernière stratégie fait donc le pari de viser une température de 28°C dans les habitations et de 26°C dans les bureaux, au lieu des 23°C du scénario de référence. Cette stratégie engendre la plus forte baisse de consommation électrique, évaluée à 43 %.

Baisser la consommation électrique tout en assurant le confort thermique

« En absence de climatisation, les mesures d’adaptation explorées sont insuffisantes pour assurer la santé des habitants dans leurs logements », prévient Vincent Viguié. Il faudra donc réfléchir rapidement aux pistes pour réduire l’impact des climatiseurs. Celui-ci dépendra de la consommation électrique globale et du taux de pénétration des énergies renouvelables dans le mix électrique. « Plus la quantité totale de la demande électrique pour les climatiseurs sera faible, plus on peut s’attendre à ce qu’elle soit produite avec des énergies renouvelables. »

Les chercheurs ont limité leur étude aux mesures facilement déployables. « Nous n’avons pas regardé les mesures de type organisationnelles qui consisteraient à évacuer les personnes vulnérables et les maisons de retraites vers les zones les moins chaudes, en dehors de Paris, ou à ne climatiser que de façon ciblée les hôpitaux et les maisons de retraites », précise Vincent Viguié. Les chercheurs continuent d’étudier l’impact futur de la climatisation sur d’autres villes. Ils souhaitent notamment savoir si la situation serait comparable dans d’autres villes européennes, par exemple à Lyon, Londres ou encore Berlin.


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