L’accord de libre-échange entre UE et Nouvelle-Zélande qui vient d’être signé a été rejeté de manière quasi unanime par notre classe politique, notamment en raison de l’inquiétude du monde agricole vis-à-vis de la concurrence néo-zélandaise. Souvent qualifié d’ineptie climatique, cet accord montre aussi une curieuse réalité : il ne suffit pas de produire localement pour émettre moins de gaz à effet de serre !
Au premier abord, faire venir des produits agricoles de l’autre bout de la planète peut sembler totalement aberrant du point de vue environnemental, en raison des émissions de CO2 liées au transport.
En réalité, le transport « de la ferme à l’assiette » est presque négligeable si l’on prend en compte les émissions de gaz à effet de serre des produits agricoles sur l’ensemble de leur cycle de vie !
Pour s’en convaincre, il faut commencer par rappeler que le CO2 est loin d’être le gaz à effet de serre le plus puissant. Or, le monde agricole émet massivement deux substances extrêmement « réchauffantes ».
- Le protoxyde d’azote (N2O), 298 fois plus puissant que le CO2, est émis par la décomposition des déjections animales et des engrais azotés.
- Le méthane (CH4), 23 fois plus puissant, est produit par la fermentation des végétaux et surtout par les rejets gazeux des ruminants.
Ces deux gaz représentent à eux seuls 90 % des émissions de l’agriculture ! De plus, le CO2, c’est-à-dire les 10 % restants, est principalement émis par :
- les machines agricoles ;
- les procédés de transformation des engrais et pesticides ;
- le transport des aliments et les déplacements intermédiaires par camions vers les zones d’élevage.
La nécessité de revoir notre modèle agricole
Dans ce contexte, l’empreinte carbone de la viande de moutons élevés à l’herbe en Nouvelle-Zélande et transportée par cargo demeure inférieure à celle de moutons nourris au soja en France !
Revoir le modèle agricole actuel ne serait-il pas le cœur du problème ? Si faire venir des produits agricoles de Nouvelle-Zélande semble absurde pour réduire notre impact carbone, ne devrions-nous pas plutôt chercher à réduire nos consommations d’engrais, de pesticides et revoir les modes d’alimentation du bétail ?
La vraie aberration est en réalité dans le modèle productiviste actuel : nous avons fait l’erreur de séparer l’agriculture de l’élevage, grâce à l’utilisation massive d’engrais azotés pour compenser l’azote présent dans les déjections. En procédant de la sorte, nous avons aussi oublié, au passage, de compenser l’apport en carbone de ces déjections, conduisant à un appauvrissement des sols européens, tellement dégradés qu’ils provoquent déjà des pertes de rendement. Et nous avons surtout fait l’erreur de réduire la part d’herbe dans l’alimentation, notamment des bovins, pour satisfaire à la course au rendement, poussant les agriculteurs à importer du soja en masse.
Le modèle néo-zélandais serait-il meilleur ? Oui et non, car si le système de production, par exemple pour les vaches à lait, est basé sur la croissance de l’herbe (pâturage 12 mois sur 12), la hausse de la production pousse les éleveurs à utiliser une part plus importante de maïs ou de tourteaux de palme, dont l’impact environnemental est désastreux…
Néanmoins, en Nouvelle-Zélande, la protection de l’environnement est une exigence sociétale forte et il semble que le pays cherche à atteindre un certain équilibre entre productivité et environnement. Le gouvernement actuel a même été le premier à proposer une « taxe carbone » sur les pets et rots des vaches, suscitant une levée de boucliers de la part du monde agricole.
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