En décembre 2015, le monde s’est engagé dans l’Accord de Paris. Objectif : limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5°C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Où en est-on de l’ambition, des règles d’application et de la solidarité après la COP25 ?
À ce jour, 197 pays ont signé l’Accord de Paris, 183 l’ont ratifié. «Les pays qui ne l’ont pas ratifié sont des pays qui sont soit en difficulté par déstabilisation interne comme l’Irak, soit en difficulté en termes de développement comme l’Angola, détaille Lucile Dufour, responsable Politiques internationales du Réseau Action Climat. Le seul grand pays qui ne l’a pas encore ratifié est la Turquie». Les États-Unis l’ont ratifié mais prévoient de sortir de l’Accord de Paris le 4 novembre 2020.
Du côté des pays ayant ratifié l’accord, les engagements adoptés en 2015 demeurent insuffisants. Ils mènent vers un réchauffement de +3°C d’ici la fin du siècle s’ils sont respectés. Il est donc prévu qu’en 2020, les pays soumettent de nouvelles contributions déterminées au niveau national (acronyme NDC pour nationally determined contribution). «Le problème est que l’on ne voit pas pour l’instant de volonté politique de fournir ces nouvelles contributions nationales», regrette Lucile Dufour.
Une nouvelle ambition qui peine à émerger
Selon Climate Action Tracker, les îles Marshall ont soumis leur nouveau NDC le 22 novembre 2018. Lors de la COP25, seul le Suriname a soumis un nouvel NDC. Le Chili et la Mongolie ont pour leur part mis en consultation au niveau national leur nouvelle contribution. Au total, selon Climate Watch,108 pays se sont engagés à revoir leur NDC cette année, représentant 15,1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. «Les pays actuellement engagés représentent peu d’émissions et sont peu responsables du dérèglement climatique actuel, analyse Lucile Dufour. À l’inverse, les pays les plus responsables, ceux du G20, qui représentent près de 80% des émissions mondiales, n’ont pris aucun engagement pour l’instant. Seule l’Union européenne, via la nouvelle commission européenne et le Parlement, a envoyé des signaux en disant qu’elle allait revoir à la hausse sa NDC.»
Il existe un décalage profond entre l’urgence à agir, la prise de conscience et la volonté politique des pays les plus responsables du dérèglement à adopter des objectifs adéquats. À ce jour, les États-Unis, le Japon, Singapour et l’Australie ont indiqué qu’ils ne mettraient pas à jour leur objectif 2030.
Où en est-on des règles d’application ?
Les grandes lignes directrices d’application de l’Accord de Paris ont été adoptées à la COP24 en Pologne. «Les pays sont encouragés à intégrer l’ensemble des émissions de gaz à tous les secteurs dans leur reporting et dans leurs objectifs», résume Lucile Dufour. À la COP25, les pays devaient discuter des détails et définir comment, concrètement, les nouvelles règles de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre s’ajusteront mais aucun accord n’a été trouvé. «Sur la question de la transparence, comme sur celle de l’ambition climatique et celle des marchés carbone, on est au point mort à l’issue de la COP à Madrid», regrette-t-elle.
Les marchés carbone étaient le grand sujet de la COP25. Comment les pays monétisent et échangent-ils des réductions de gaz à effet de serre ? «Il est très important que les marchés carbone soient bien construits pour être sûr que les réductions d’émissions achetées et échangées ne puissent pas être comptées deux fois, et que les projets financés via ces marchés respectent les droits humains», assure Lucile Dufour. À l’initiative du Costa Rica, la coalition de pays signataires des des «Principes de San Jose pour une ambition élevée et l’intégrité des marchés carbone internationaux» appelle donc à des règles robustes concernant les marchés des crédits de carbone. Elle regroupe de petits états insulaires, des pays d’Amérique latine et certains pays européens (liste complète ici). En 2020, le défi reste ainsi de définir de bonnes règles. «Sur ces marchés carbone, on joue la crédibilité de l’Accord de Paris», souligne Lucile Dufour.
Où en est-on de la solidarité ?
À Copenhague en 2009, les pays développés se sont engagés à fournir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 aux pays en développement afin de s’adapter au changement climatique et favoriser les technologies bas carbone. Dans ces 100 milliards, sont comptabilisés les fonds publics et les fonds privés mobilisés par des investissements publics.
L’OCDE a rendu son dernier rapport sur le suivi des 100 milliards en octobre 2019. Ainsi, 71,2 milliards de dollars de financements totaux ont été mobilisés en faveur de l’action climatique dans les pays en développement en 2017. Sur ce total, 54,5 milliards de dollars provenaient de financements publics. Il reste donc un effort encore substantiel à faire par les pays développés pour augmenter les financements publics.
L’enjeu dépasse la simple question de solidarité. Ces financements sont d’autant plus importants qu’une partie des engagements des pays en développement sont conditionnés à leur versement. «La question du financement et de l’ambition climatique sont intimement liées, conclut Lucile Dufour. Sans financement adéquat, l’ambition ne peut pas être adéquate.»
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