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A la recherche de la mousse éternelle

Posté le 4 octobre 2017
par Sophie Hoguin
dans Matériaux

L'Oktoberfest de Munich s'achève tout juste.. Mais comment donc faire perdurer cette belle mousse sur la pinte de bière ? Une question de physique très étudiée à laquelle des chercheurs de l'Institut fédéral suisse de technologie de Zurich (ETHZ) apporte une nouvelle réponse.

Pour stabiliser les mousses, qu’elles soient alimentaires ou utilisées dans des matériaux plus avancés, on utilise généralement des composés tensioactifs qui recouvrent la surface des bulles de mousses et les « protègent » des forces extérieures liées à la pression ou la température. Des chercheurs de l’ETZ de Zurich sont partis de l’étude micrométriques des mécanismes à l’oeuvre dans la dissolution d’une mousse pour trouver de nouvelles solutions de stabilisation.

Ces indésirables fusions et explosions

Plusieurs processus physiques sont à l’origine de la déstabilisation d’une mousse (ou d’une émulsion) : drainage de la mousse par le liquide sous-jacent (ou diffusion de l’émulsion dans la phase dispersante), fusion des bulles ou bien sûr éclatement de bulles.

L’équipe de Jan Vermant à l’ETHZ s’est particulièrement attachée au phénomène du mûrissement d’Ostwald (Ostwald ripening), du nom de son découvreur, le chimiste allemand Wilhelm Ostwald, prix Nobel de physique en 1909. Ce processus explique que la pression capillaire entre deux gouttes de tailles différentes (ou entre les gouttes d’une émulsion dans un dispersant) est différente et provoque la fusion, par diffusion moléculaire, de la petite goutte vers la grosse. Pour éviter cela, on utilise des stabilisants qui couvrent la surface des bulles et ralentissent ce phénomène.

Des mesures de pression miniatures

Les chercheurs ont testé le comportement de bulles d’air dans de l’eau en étudiant les réactions aux interfaces dans de nombreuses configurations: couvertes avec des particules de latex de taille micrométriques, couvertes de manière homogène ou non, en faisant varier les différentes structures et le tout soumis à différentes pressions au sein d’une mini chambre pressurisée. Dans ce système microfluidique, ils ont pu évaluer leur résistance à la dissolution. Ils en ont conclu que même partiellement recouvertes les bulles peuvent être aussi stables que celles qui sont complètement recouvertes et ils ont pu déterminer avec précision à partir de quelle plage de valeurs de pression chaque type de « bouclier » pouvaient résister. Dans la conclusion de l’article paru dans le journal PNAS les chercheurs estiment en outre que leur système de mesure peut être adapté à d’autres formes de mousses, émulsions, ingrédients permettant ainsi de disposer d’un outil d’étude et de prévision du comportement ou de la quantité de stabilisant requis pour différents mélanges. A la clé, l’industrie agroalimentaire notamment, y voit là une possibilité de réduire les coûts de fabrication en économisant certains ingrédients.

Ces recherches ont d’ailleurs été en partie financées par Nestlé, et ont déjà abouti à la fourniture par le laboratoire de guides et d’outils de quantification que l’industrie agroalimentaire peut utiliser pour développer des stabilisants et des nouveaux produits. Les premières applications sont destinées à la crème glacée où l’incorporation de petites bulles stables permet de lui conférer la capacité à la mieux résister à des cycles gel-dégel et à la rendre plus légère.

Sophie Hoguin


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