En 2012, l’industrie du logiciel se trouve à un tournant de son histoire. Deux tendances fortes, entre autres, font bouger les lignes : la généralisation des applications mobiles et l’immersion du décisionnel dans toutes les strates du business.
Mais la révolution la plus spectaculaire est celle du cloud. L’informatique dans les nuages implique une remise en cause radicale des façons de concevoir, de diffuser, de commercialiser et de vendre du logiciel. Le cloud est aujourd’hui loin de son stade de maturité, mais sa progression, sur le marché et dans les esprits, est irréversible. Le système d’information va s’en trouver complètement et durablement bouleversé. Voilà, selon nos analystes, les tendances générales qui vont impacter de façon transversale l’industrie du logiciel en 2012.
1. Maturité fonctionnelle des outils de gestion, mais…
En 2012, les logiciels qui supportent les fonctions clé de gestion de l’entreprise ont atteint désormais leur maturité fonctionnelle. Les systèmes de gestion comptable, les ERP, les fondamentaux du SIRH, les solutions de CRM ne se différencient plus uniquement par leurs fonctionnalités de base, quasiment toutes identiques. De fait, elles se sont normalisées. L’exemple le plus significatif à cet égard est l’IT Management, où la certification des processus ITIL a uniformisé la majorité des solutions.
La comparaison fonctionnelle reste raison en revanche sur les domaines transversaux plus émergeants (gestion de processus…), en pleine évolution (BI), ou encore peu structurés (gestion de contenus…). Dans les domaines les plus matures, les éditeurs seront obligés en 2012 de travailler leur différence sur d’autres critères : l’interface utilisateur, le mode d’accès (web, client léger, mobilité…), l’ergonomie de navigation, l’intégration à d’autres systèmes, la modularité, la facilité de paramétrage, la capacité à évoluer rapidement, le mode de commercialisation (abonnement ou licence, tarification à la demande, à l’usage…), le prix, etc. La couverture fonctionnelle reste évidemment un pré-requis de base pour tout achat de logiciel,mais les critères différenciants vont de plus en plus se faire ailleurs.
2. Le cloud, année de consolidation
Notamment sur l’adaptation du logiciel à de nouveaux modèles d’usage et de tarification. Depuis deux-trois ans déjà, le cloud s’annonce comme une révolution majeure de l’édition logicielle. En 2011 déjà, il dépassait le stade du « buzz ». Encore limité en termes d’investissements, le marché du cloud bénéficie d’une croissance dynamique de 15 % par an. Il faudra attendre encore quelques années, avant que le cloud arrive à maturité : le passage au cloud n’est pas sans risque. Aussi les systèmes d’information entièrement ayant « migré » vers le cloud ne sont-ils pas légion. L’année 2012 sera donc une année de consolidation.
Amorcée avec le SaaS qui touche désormais, à des degrés divers, tous les domaines de gestion du logiciel, et le prolongeant avec deux autres composantes du cloud, le IaaS et le PaaS, l’informatique dans les nuages inaugure un nouveau modèle informatique, modifiant en profondeur les usages du logiciel (tarification à la demande et à l’usage, accès web…), inspirant une nouvelle « philosophie » du SI (ressources informatiques éclatées, passage dumode CAPEX aumode OPEX…), ainsi qu’une nouvelle façon de concevoir le logiciel pour les éditeurs.
En effet, grâce aux plateformes PaaS permettant un développement collaboratif, les éditeurs peuvent s’associer à des partenaires pour enrichir leurs offres. En ce sens, on peut bien parler de révolution du cloud, car ce nouveau paradigme a pour corollaire une transformation profonde du marché de l’informatique et de l’édition logicielle, suscitant l’arrivée de nouveaux acteurs (hébergeurs…), renforçant le rôle des intégrateurs à valeur ajoutée, poussant les éditeurs à se recentrer sur le métier de l’édition.
3. Mobilité et consumérisation du SI
Une autre tendance forte de l’édition logicielle est le développement de la mobilité et des applications mobiles. Evalué aujourd’hui à quelques 850 millions de dollars, le marché mondial des équipements de mobilité continue son irrésistible progression. Les terminaux mobiles, déclinés en de multiples gammes et modèles sans cesse renouvelés, séduisent de plus en plus de consommateurs. Au delà des équipements, c’est le marché des applications et des services mobiles qui explose.
La généralisation de la technologie sans contact NFC (Near Field Communication) a ouvert d’immenses perspectives dans des applications de paiement et d’authentification de la personne : systèmes d’encaissement sans carte, billetterie dématérialisée, coupons de réduction, cartes de fidélité, transferts d’argent sécurisés, signature électronique, etc. De nombreux secteurs d’activités (commerce, banques, services…) cherchent à tirer profit de ce levier de croissance. Les domaines de la distribution et du commerce de détail (retail) sont particulièrement concernés.
Un enjeu fort pour les éditeurs qui devront prendre en compte les défis techniques des nouvelles interfaces homme machine qu’impose la mobilité. La généralisation des équipements mobiles a un autre impact, plus récemment observé : la « consumérisation » du système d’information. Les entreprises ont pris conscience que les outils de la mobilité acquis par leurs collaborateurs pouvaient avoir un usage professionnel et, bien employés, accroître leur productivité. « Bring your own device » : tel est le nouveau mot d’ordre. Ce qui ne va pas être sans poser quelques soucis aux DSI (intégration, création d’applications mobiles, sécurité…).
4. Plus de fonctionnalités métier
Cette consumérisation du SI, qui recentre l’humain au coeur du système d’information, accompagne une autre tendance de fond de l’évolution du logiciel de gestion : une meilleure prise en compte des besoins opérationnels des métiers. C’est une attente forte du marché. Pour les éditeurs, la déclinaison métier (ou sectorielle) va donc continuer en 2012 à être un critère fort de valorisation de leur offre. Les éditeurs d’ERP ont appris à se rapprocher d’intégrateurs spécialisés métier qui peuvent aider à verticaliser l’ERP pour l’adapter à tel ou tel segment de marché : le modèle de réseau de partenaires à la Microsoft a fait des émules.
La tendance touche les éditeurs d’outils décisionnels (c’est le cas par exemple dans le domaine de la planification) qui prévoient de proposer des modèles métier de leur plateforme. Les fonctions décisionnelles vont d’ailleurs beaucoup se développer sur des besoins métier : tableaux de bord de la GRH, outils de reporting « légers » et orientés métier, outils d’analyse marketing, etc. Enfin, le cloud favorise cette tendance en permettant de réunir des éditeurs et des experts métier pour créer des bouquets applicatifs rassemblant divers outils logiciels destinés à une population ciblée : le DAF, le responsable logistique, l’expert comptable, etc.
5. Les réseaux sociaux, nouvelle dimension du collaboratif
Difficile de parler des tendances du logiciel sans évoquer la dynamique des réseaux sociaux d’entreprise. L’année 2011 a été marquée par une progression contrastée des RSE : si ces outils se sont beaucoup développés et enrichis, leur adoption par le marché reste lente, freinée par la méconnaissance de la réalité du « 2.0 » par les entreprises et par les risques liés à un mauvais usage de ces réseaux. Il n’empêche : ces outils, de plus en plus sophistiqués, donnent au collaboratif une nouveau souffle et colorent d’une couche « sociale » les grands domaines de gestion (Social CRM, Social BPM…).
En effet, loin de se cantonner à l’axe conversationnel (dialogues, échanges de commentaires ou de liens…), les RSE développent de plus en plus l’axe relationnel (création de relations, partage documentaire…). Reste à voir si le marché saura reconnaître la dimension d’intelligence collective vers laquelle ils convergent. L’année 2012 va donc s’avérer cruciale pour ce marché.
6. Le décisionnel sur tous les fronts
Fonction transversale, la Business Intelligence gagne du terrain sur tous les fronts, à tous les étages de l’entreprise. Pour gouverner, piloter, analyser, simuler, prévoir, les entreprises ont de plus en plus besoin d’outils décisionnels. La conjoncture économique incertaine et les aléas des marchés stimulent la demande. Toutes les fonctions de l’entreprise sont concernées : de la GRH aux services financiers, du stratège au tacticien, du directeur général aux responsables opérationnels, dans la petite comme la grande multinationale, dans tous les secteurs d’activité. Tous les logiciels de gestion intègrent une dimension décisionnelle.
Nos experts attendent des solutions de BI qu’elles renforcent un de leurs points faibles : la gestion de la qualité des données. Les éditeurs vont donner la possibilité de gérer des données non structurées (exploitation de données textuelles avecmoteur de recherche, text mining, indexation) pour l’analyse des emails, des blogs, des sites Web et des réseaux sociaux, avec pour corollaire, le support des big data de toute provenance (gros volumes de données avec de nouvelles formes de stockage et de nouveaux modes d’interrogation des informations).
Par souci d’optimisation, la BI va multiplier les techniques de requête et d’analyse en mémoire qui boostent les temps de réponse. Les fonctions d’analyse et de pilotage vont être plus poussées, intégrant des fonctions d’analyse prédictive pour anticiper les tendances à venir (BI proactive) et des fonctions de scorecarding plus poussées allant jusqu’à la génération de plans d’action.
Les éditeurs de BI nouvelle génération vont se multiplier (certains d’entre eux pourraient être rachetés par de gros acteurs), avec des outils BI light plus faciles à mettre en oeuvre, moins coûteux et plus intuitifs dans leur utilisation que les plates-formes BI d’entreprise, et intégrant des méthodologies agiles pour développer rapidement des applications décisionnelles.
7. Big data et destructuration des données
La Business Intelligence, chargée de les filtrer, les nettoyer, les extraire et les agréger, est le premier domaine logiciel à être concerné par l’explosion de la volumétrie des données. Les données prolifèrent, issues du système d’information interne mais aussi de bien d’autres sources externes hétérogènes (web, applications mobiles…). La proportion de données non structurées que l’entreprise doit gérer va peu à peu se substituer à celle des données structurées.
Outre la BI, le phénomène touche d’autres domaines fonctionnels: le MDM (gestion des données de référence), l’ECM (gestion des contenus d’entreprise), le traitement des flux documentaires dématérialisés, la gestion collaborative des connaissances. Tout le système d’information est impacté par cette évolution à très long terme.
Par Laurent Calot, Président du Directoire, Le CXP
Cet article se trouve dans le dossier :
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