Alors qu’ils étaient minoritaires (38%) en octobre 2006, 60% les allemands affirment en septembre 2013 ne pas avoir peur du changement climatique. C’est le résultat d’une grande enquête menée par le magazine allemand Spiegel.
Ce changement radical de l’opinion publique en Allemagne, mais aussi ailleurs dans le monde y compris en France où un tiers des français se déclare à présent « climato-sceptique » selon une étude TNS Sofres, inquiète une partie des climatologues, dont ceux du GIEC qui se réunissent actuellement à Stockholm pour discuter avec les délégués gouvernementaux de leur prochain rapport.
Dès 1989, le climatologue américain Stephen Schneider expliquait dans Discover Magazine la logique de l’approche des exagérateurs climatiques: « nous devons présenter des scénarios effrayants, proférer des affirmations simplistes et catastrophiques sans prêter attention aux doutes que nous pourrions avoir. Chacun d’entre nous doit choisir entre l’efficacité et l’honnêteté ». Dans cette logique Hermann Ott, du parti vert allemand, estime à présent dans Spiegel que les politiques environnementales « ont besoin de l’élément de la peur. Car sinon aucun homme politique n’y prêtera attention ».
Mais pour une partie grandissante des climatologues, il est temps de dire toute la vérité à propos de la pause du réchauffement. Par honnêteté intellectuelle, qualité indispensable en sciences, et pour tenter de rester crédibles. Pour Jochem Marotzke, directeur du Max Planck Institute für meteorologie à Hambourg, « les climatologues ont une obligation, pas envers la politique environnementale, mais envers la vérité ». Ce scientifique explique dans Spiegel que pour des raisons d’éthique scientifique, le GIEC a l’obligation d’engager des discussions à propos de cette pause.
Des propos salués par Judith Curry, titulaire de la chaire de la School of Earth and Atmospheric Sciences au Georgia Institute of Technology, et qui anime un blog où l’esprit scientifique est mis en avant. « La vérité qui dérange le GIEC, c’est la pause qui dure depuis plus de 15 ans » souligne l’experte.
Pour Tamsin Edwards, modélisatrice du climat à l’Université de Bristol, « l’activisme des climatologues a endommagé la confiance dans la science ». Cette animatrice du blog intitulé « Tous les modèles sont faux…mais quelques-uns sont utiles » estime que « les scientifiques ont l’obligation morale d’être impartiaux. Ils ne doivent pas se faire les avocats de causes politiques. »
Une pause qui dérange
Fin 2009, Mojib Latif, climatologue du Leibniz Institute à Kiel, a émis l’hypothèse que la pause du réchauffement observée depuis le début du XXIème siècle pourrait durer jusqu’à environ la moitié du siècle, du fait de l’influence des oscillations océaniques multidécennales (PDO, AMO). Jochem Marotzke avait dans la foulée déclaré à propos de cette pause qu’« on ne peut pas nier qu’il s’agit du sujet scientifique le plus brûlant du moment. On ne sait vraiment pas pourquoi cette stagnation arrive maintenant ». En France, le scientifique Claude Allègre, qui a obtenu le très prestigieux Prix Crawford pour ses travaux en sciences de la terre, notamment à propos de la génèse de l’atmosphère terrestre, avait osé faire écho des propos de ces deux scientifiques dans une tribune du journal Le Monde datée du 21 mai 2010 et intitulée « Le droit au doute ».
« Dans l’ambiance pratiquement hystérique de l’exagération climatique actuelle, l’annonce d’un réchauffement moins dramatique n’est pas bien reçue parce que tous les membres politiquement corrects préféreraient cacher ce fait au public en suivant la maxime populaire selon laquelle la fin justifie les moyens » estime Lennart Bengtsson, l’un des climatologues suédois les plus réputés, qui a participé à la création du GIEC aux côtés de Bert Bollin, également suédois et premier président de cet organisme onusien. « Même s’il n’y a aucun signal global évident, on avance des arguments adhoc à partir d’une liste sans fin d’événements météorologiques extrêmes. Le fait que des événements météorologiques extrêmes aient été observés pour le présent comme pour un climat normal, est passé sous silence.»
Une pause qui conduit à relativiser la solidité des modèles informatiques
Depuis 2009, la pause du réchauffement s’est prolongée. Pire, comme mis en évidence dans un article publié en août 2013 dans la revue Nature (Overestimated global warming over the past 20 years), la courbe de la température commence à sortir de l’intervalle de confiance à 95% des prédictions des modèles informatiques retenus par le GIEC.
Si la pause du réchauffement dure encore 2 ou 3 ans, « nous allons devoir admettre que quelque chose est fondamentalement erroné dans les modèles climatiques » a estimé dans Spiegel le 20 juin 2013 le climatologue Hans Von Storch, directeur de recherches au sein du Helmholtz Research Centre.
Une conclusion partagée par de nombreux climatologues, et en France par Jacques Duran, ancien Directeur des Etudes de l’ESPC de Paris auprès de Pierre-Gilles de Gennes, et ancien Vice-Président, Chargé de la Recherche, de l’Université Pierre et Marie Curie. Sur son site Pensée-Unique.fr, spécialisé en correction des propos des exagérateurs climatiques, le scientifique explique avec pédagogie qu’« en matière de science le scepticisme est un devoir » et rappelle que pour Denis Diderot « le scepticisme est le premier pas vers la vérité ».
Mais concernant le plateau de la température qui dure depuis une décennie et demi, pour le modélisateur Laurent Terray du Cerfacs, « s’il venait à se poursuivre pendant deux décennies supplémentaires, on pourrait commencer à se demander si les modèles ne sous-estiment pas la variabilité interne du climat ». Il faudrait donc pour lui que la pause dure plus d’un tiers de siècle, et que les températures observées dans le monde réel sortent complètement pendant 20 ans de l’intervalle de confiance des modèles pour commencer à se poser des questions. Pour Jochem Marotzke, l’attitude de ceux qui affirment qu’il faudra que la pause dure au moins 30 ans pour devenir significative sur le plan climatique « n’est pas scientifique.»
Si le GIEC n’a pas été capable de prévoir correctement, loin s’en faut, l’évolution de la température ces 15 dernières années, la question se pose légitimement de savoir s’il est capable de prévoir son évolution pour les 15 ou 30 ans à venir, c’est-à-dire à une échelle de temps pertinente pour les politiques publiques. De plus, insiste Judith Curry, « si se sont les oscillations océaniques (PDO, AMO) qui expliquent la pause qui dure depuis 15 ans, alors on peut émettre l’hypothèse qu’une partie du réchauffement observé entre les années 80 et 90 était aussi lié à cette variabilité naturelle multidécennale ». Se pose alors en toile de fond la question de savoir si l’estimation de fourchette de sensibilité climatique à un doublement de la concentration atmosphérique en CO2 est correcte. Selon de nombreuses études récentes, il faudrait revoir à la baisse cette sensibilité.
Des acteurs des énergies renouvelables inquiets
« Depuis des années, j’ai diffusé les hypothèses du GIEC et je sens que j’ai été dupé » soupire Fritz Vahrenholt, grand promoteur des énergies renouvelables et ex-Ministre de l’Environnement régional. « Les énergies renouvelables me sont chères » ajoute l’ancien conseiller pour l’environnement durable auprès des chanceliers Schröder et Merkel. « Mon inquiétude est que si le public découvre que ceux qui nous avertissent d’un désastre climatique ne disent que la moitié de la vérité, il ne sera plus disposé à payer des notes plus élevées pour l’électricité provenant de l’énergie éolienne et solaire » analyse-t-il dans une interview pour Die Welt de février 2012.
Le risque de rupture de confiance est bien réel. Et encore davantage dans un contexte de crise économique. Mais il n’est pas trop tard pour les exagérateurs climatiques de s’interroger sur le bienfondé de leur approche en matière de communication. Pour Wendel Trio, directeur de l’ONG Climate Action Network Europe, le GIEC « se rendrait extrêmement vulnérable à de nouvelles critiques, sincères ou non » s’il ne parlait pas de la pause du réchauffement.
Choisir entre l’humilité et la logique clanique
James Lovelock, scientifique spécialiste de l’atmosphère, a été l’un des premiers en avril 2012 a effectuer un mea culpa sincère, et à reconnaître que l’approche de l’alarmisme reposait sur une base erronée. « Nous sommes très tribaux. Vous êtes soit un bon, soit un méchant » analyse le père de l’hypothèse Gaïa qui a enthousiasmé le mouvement écologiste, mais « le problème c’est que nous ne savons pas ce que fait le climat en ce moment. Nous pensions le savoir, il y a vingt ans. Ceci a poussé à l’écriture de quelques bouquins alarmistes – y compris le mien – parce que ça paraissait bien clair, mais cela ne s’est pas produit. Nous étions censés être, en ce moment, à mi-chemin d’un monde en train de griller. Mais le monde ne s’est pas beaucoup réchauffé depuis le début du millénaire ».
Par Olivier Daniélo
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