Prenez Isaac Newton. Considéré par beaucoup comme le plus grand scientifique de tous les temps, il n’est pas que le génial découvreur de la gravitation universelle. Entre autres choses, Newton a aussi révolutionné nos connaissances en optique. Il était si dévoué à sa cause que pour tester une de ses théories sur la perception des couleurs, il s’enfonça une aiguille à tricoter sous le globe oculaire, jusqu’à ce qu’elle touche l’arrière de l’orbite. Il nota ensuite de façon très factuelle qu’il voyait des cercles colorés lorsqu’il se triturait l’œil avec l’aiguille. Si vous pensiez que l’histoire de la science était faite de sagesse et de précautions, vous allez découvrir qu’elle n’a rien à envier à Jackass.
Stubbins Ffirth
En 1793, une terrible épidémie de fièvre jaune tua plus de 5 000 personnes à Philadelphie. Quelques années plus tard, un jeune médecin nommé Stubbins Ffirth émit l’hypothèse que la fièvre jaune n’était pas une maladie contagieuse, mais qu’elle était plutôt causée par le climat estival. Pour prouver sa théorie, il entreprit une série d’expériences sur lui-même tellement ignobles qu’elles le rendirent célèbre : Ffirth commença par se faire des incisions sur les bras pour y verser du vomi de patient infecté, puis il s’en versa également dans les yeux.
Il fit ensuite chauffer du vomi pour en inhaler les vapeurs, et comme il n’était toujours pas malade, il finit par en boire. À l’issue de ces expériences, il était toujours en pleine santé, ce qui lui sembla être une preuve éclatante de son hypothèse. Il fallut attendre 60 ans après la mort de Stubbins Ffirth pour découvrir qu’en réalité, la fièvre jaune était transmise par les moustiques.
Johann Wilhelm Ritter
Quand Alessandro Volta inventa la première pile électrique en 1800, il révolutionna le monde de l’énergie. Ce qu’il n’imaginait sans doute pas, c’est l’utilisation qu’allait en faire Johann Wilhelm Ritter, un physicien allemand à qui l’on doit la découverte des ultra-violets, et qui fut pris d’une passion bizarre pour l’invention de son collègue italien. Ritter décida d’étudier les effets de l’électricité sur l’organisme en connectant la pile à différentes parties de son corps. Quand il électrifia sa langue, il ressentit une saveur acide, et quand il posa les fils sur ses yeux, il perçut d’étranges couleurs flotter devant lui.
Par amour de la science, Ritter appliqua aussi le courant électrique sur ses parties génitales. L’expérience fut si « concluante », que le physicien déclara autour de lui qu’il allait épouser sa pile. La curiosité de Ritter pour l’auto-stimulation électrique aurait pu s’arrêter là, mais il s’exposa à des courants de plus en plus élevés, sur des durées toujours plus longues, allant jusqu’à prendre de l’opium pour supporter la douleur.
Sa santé finit fatalement par en pâtir : ses yeux s’infectèrent, il eut des spasmes et des migraines, sa langue perdit temporairement sa sensibilité, et le courant paralysa un de ses bras pendant toute une semaine… Cela ne l’empêcha pas de continuer ses recherches, à la stupéfaction de ses collègues. Ritter mourut finalement de la tuberculose à 33 ans, mais ses expériences sur lui-même ont sans doute précipité son destin.
Nicolae Minovici
Au début du XXe siècle, alors qu’il enseignait la médecine légale à l’Université de Bucarest, le professeur Nicolae Minovici se posa une question bien légitime : qu’est ce que ça fait de mourir pendu? Pour y répondre, il commença par s’auto-asphixier. Il s’allongea sur un lit de camp, passa la tête dans un nœud coulant relié à une poulie, puis il tira sur l’autre extrémité de la corde. Très vite, son visage vira au rouge, sa vision se brouilla, et comme il sentait qu’il allait s’évanouir, il relâcha la corde au bout de quelques secondes. Mais ce n’était qu’un début.
Pour la deuxième phase de ses recherches, Minovici plaça son cou dans un nœud desserré, puis il demanda à des assistants de tirer sur la corde jusqu’à ce qu’il soit suspendu au-dessus du sol. La première fois, le professeur ne put tenir que quelques instants avant d’arrêter l’expérience, mais avec de la pratique il finit par résister 25 secondes à l’étranglement. L’ultime étape consistait à être pendu pour de bon.
Cette fois-ci, Minovici serra le nœud coulant autour de sa gorge, mais quand ses assistants tirèrent, la douleur fut si intense qu’il leur fit signe de relâcher presque aussitôt, avant même que ses pieds ne quittent le sol. Au bout du compte, ces expériences se soldèrent par des ecchymoses, des difficultés pour avaler, ainsi que par l’étude la plus complète jamais menée sur les effets de la pendaison.
John Paul Stapp
Après la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine avait besoin de mieux comprendre les effets de l’accélération et de la décélération sur le corps humain, notamment pour protéger les pilotes d’avion plus efficacement en cas de crash. À l’époque, les experts estimaient que la force maximale qu’une personne pouvait supporter était de 18 G, soit une pression 18 fois plus importante que la gravité terrestre. C’était avant que le colonel John Paul Stapp n’intervienne. Stapp était un docteur en biophysique déterminé à améliorer la sécurité aéronautique, même si cela impliquait de concevoir des machines mortelles, puis de les essayer lui-même.
Son invention la plus célèbre est une sorte de traîneau propulsé par des fusées, surnommé le Gee Whiz. Cet appareil était capable d’atteindre les 1 200 km/h, quasiment la vitesse du son, puis de stopper instantanément au bout d’une voie ferrée d’environ 600 m. En véritable crash dummy humain, Stapp essaya le traîneau 29 fois en 7 ans. La violence des tests lui valut plusieurs fractures et pertes de conscience, mais cela n’empêcha pas le colonel de battre son record de vitesse lors d’une ultime tentative, le 10 décembre 1954. Stapp fut propulsé à une vitesse de 1 017 km/h, ce qui est plus rapide qu’une balle de calibre 45.
C’est la plus grande vitesse jamais atteinte sur rails, et ça reste la plus grande vitesse atteinte au sol dans un véhicule sans cockpit. Mais le plus spectaculaire fut le moment où l’engin passa de 1 000 km/h à 0 en 1 seconde et demie. Lors de cette décélération, Stapp subit 46,2 G, ce qui reste un record absolu, et qui équivaut à percuter un mur à 200 km/h avec une voiture. Le choc fut si violent que Stapp resta aveugle jusqu’au lendemain, les yeux remplis de sang. Il garda des problèmes de vue toute sa vie, mais malgré tous les dangers auxquels il s’exposa, il mourut dans son sommeil à l’âge de 89 ans.
Henry Head
Le Dr Henry Head était un neurologue anglais, pionnier dans l’étude du système nerveux. Au début du XXe siècle, il se lança dans des recherches sur la physiologie de la douleur, et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, il utilisa son propre corps comme un laboratoire. Le 25 avril 1903, il persuada un chirurgien de lui ouvrir le bras, puis de lui sectionner deux nerfs avant de recoudre le tout. Le but de la manœuvre était d’étudier la façon dont les sensations reviennent après une telle blessure. Pour l’aider dans sa démarche, son collègue William Rivers le soumit à une batterie de tests, tous plus douloureux les uns que les autres.
Pendant 4 ans, Rivers tortura le bras de Head pendant que ce dernier lui disait s’il sentait quelque chose, ou non. Le sacrifice du neurologue permit aux deux hommes de faire une découverte fondamentale : comme les sensations de chaleur et de douleur revenaient plus rapidement que certaines sensations plus subtiles, ils en déduisirent qu’il y avait deux voies de sensibilité distinctes. Une voie de sensations vagues, qu’ils baptisèrent protopathique, et une voie de sensations plus précises, qu’ils nommèrent épicritique. Pour savoir si tout le corps était capable de percevoir les deux types de stimuli, Rivers examina son collègue des pieds à la tête, et il finit par trouver chez lui une zone purement protopathique : son pénis.
Dans une pure abnégation scientifique, Henry Head accepta de se faire piquer sa virilité avec des aiguilles et de la tremper dans de l’eau brûlante pour déterminer la sensibilité de l’organe. Grâce à ces expériences, nous savons aujourd’hui pourquoi on ne peut pas lire en braille avec son pénis. Merci, M. Head !
Evan O’Neil Kane
Le 15 février 1921, alors qu’il est allongé sur une table d’opération pour se faire enlever l’appendice, le chirurgien américain Evan O’Neil Kane annonce qu’il va s’opérer lui-même. Comme il est chirurgien chef de l’hôpital, l’équipe médicale ne peut que lui obéir et le regarder mener sa petite expérience. Kane s’injecte de la cocaïne et de l’adrénaline pour s’anesthésier, puis il s’ouvre le ventre, et sectionne son appendice gonflé. Un bref moment de panique s’empare de l’assistance quand les tripes du chirurgien s’échappent, mais celui-ci les replace calmement à l’intérieur, puis termine l’opération.
14 jours plus tard, il était sur pieds, et prêt à reprendre le travail. L’affaire fit les gros titres de la presse internationale, mais Kane n’en avait pas terminé avec les plaisirs de l’auto-chirurgie. En 1932, à l’âge de 71 ans, il a besoin de se faire opérer d’une hernie inguinale. Cette opération est plus délicate qu’une simple appendicectomie, parce qu’il y a un risque de couper l’artère fémorale. Mais en bon aventurier du scalpel, Kane décide d’opérer lui-même à nouveau. Pendant l’intervention qui dura 1h45, il plaisanta avec les infirmières, et il demanda un deuxième shot d’anesthésique quand la douleur commença à se faire sentir.
Il sembla se remettre rapidement de l’opération, mais en réalité, il ne retrouva jamais toutes ses forces et il mourut trois mois plus tard d’une pneumonie. Evan O’Neil Kane reste la seule personne de l’histoire à s’être opérée d’une appendicite et d’une hernie lui-même.
Source : Axolot