Spécialisé dans les communications radio, les antennes et la propagation, Alain Sibille connaît très bien les enjeux des réseaux mobiles. Selon ce spécialiste des télécoms, les vraies novations de la 5G ne seront perceptibles que dans plusieurs années. Les avancées technologiques, ainsi que l’installation de nouvelles antennes-relais, se feront pas à pas, petit à petit.
Techniques de l’Ingénieur : l’arrivée de la 5G signifie-t-elle une augmentation des antennes-relais ?
Alain Sibille : Pas dans un premier temps. À chaque fois qu’il y a une nouvelle génération de téléphonie mobile, les déploiements ne sont pas instantanés, pour des raisons économiques. Les opérateurs augmentent le nombre d’équipements en fonction de la demande. Ce sera le cas avec la 5G. Dans un premier temps, les opérateurs vont se contenter de faire des mises à jour logicielles et compléter les équipements déjà installés dans des antennes-relais 4G. C’est ce qu’on appelle un « greffon radio ». Cela permettra d’avoir plus de fréquences pour répondre à des besoins de capacités supplémentaires et éviter une saturation qui est annoncée comme relativement proche.
L’installation des nouvelles antennes sera néanmoins nécessaire à plus ou moins long terme ?
C’est exact. La 5G présente des spécificités par rapport aux précédentes générations, qui reposaient beaucoup sur l’augmentation des débits. La 5G va se traduire aussi par de nouveaux usages. Les premiers seront identiques à ceux de la 4G, mais avec un meilleur confort pour regarder, par exemple, une série vidéo dans un autobus.
Puis, progressivement, il y a aura des usages professionnels avec notamment des données émises par des objets connectés, la télémaintenance, la télémédecine… L’IoT exigera un « upgrade » important du réseau, car ces capteurs ont besoin de peu de connexions, mais exigent dans certains cas (par exemple pour la voiture connectée) une très grande fiabilité et une grande réactivité du réseau. Différentes classes de services permettront d’optimiser ces applications. Le mode URLLC (Ultra Reliable Low Latency Communications) et le mMTC (massive Machine Type Communications) permettront notamment de bénéficier d’une faible latence (quelques millisecondes). Il faudra donc installer un cœur de réseau 5G, ce qui impliquera des investissements importants étalés sur quelques années.
Il y aura donc une densification des antennes-relais ?
La bande de fréquence étant plus élevée (on passe d’environ 2,6 GHz à 3,4‑3,8 GHz), cela signifie qu’à puissance donnée, la portée est naturellement plus faible en 5G qu’en 4G. Cela impliquera une certaine densification des antennes-relais à plus ou moins long terme et pour certains usages. Mais la 5G s’appuie sur un certain nombre d’innovations avec notamment des antennes (au sens « objet » du terme) qui sont vraiment nouvelles comme le « MIMO massif ». MIMO signifie « multiple input multiple output », soit « entrées multiples sorties multiples » en français. Cela veut dire qu’une antenne réseau peut simultanément recevoir des données de plusieurs appareils, mais également en envoyer à différents destinataires en même temps. A la différence des systèmes MIMO courants (comme avec les boxes WIFI), qui peuvent utiliser environ 4 transmetteurs, le MIMO massif en comprendra une centaine. Ces panneaux d’antennes assez importants seront certainement installés dans des hotspots qui exigent de nombreuses connexions simultanées et du débit élevé. Fondamentalement, il faut optimiser le compromis entre la densité du réseau, la portée et la puissance.
La 5G permettra-t-elle de régler le problème des zones blanches ?
La fracture numérique créée des problèmes majeurs qui participent à la désertification. D’un côté, la 5G ne résout pas immédiatement la question, car à cause de ses fréquences, une excellente couverture est plus difficile à réaliser. D’un autre côté, on peut imaginer une petite boucle locale pour un hameau avec un point central (desservi par voie radio ou fibre optique) et des points dispersés de quelques kilomètres. Avec la 5G, on peut avoir du « débit agrégé », les ressources radioélectriques pourraient être distribuées avec plus de souplesse entre les utilisateurs d’un réseau. Encore faut-il que les pouvoirs publics jouent leur rôle et incitent les différents acteurs locaux à favoriser ce genre d’option…
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