1 – Le bitcoin, ça pollue
Cette idée repose sur deux principales confusions. Premièrement, beaucoup de personnes font l’amalgame entre blockchain, cryptomonnaies et bitcoin alors que ces notions sont assez différentes. La blockchain est une technologie de registres distribués qui forme une « chaîne de blocs » . Une cryptomonnaie est une forme numérique de monnaie et les transactions sont suivies et archivées dans une blockchain chiffrée et publique. Et deuxièmement, trop de personnes confondent consommation et pollution. « On considère que toute consommation est synonyme de pollution : ça consomme beaucoup, donc ça pollue. De nombreuses études ne font pas de distinction entre énergie propre, renouvelable ou non carbonée. Or, 70 % de l’énergie utilisée par les blockchains est non carbonée et en bonne partie renouvelable donc quasiment non polluante », précise Renaud Lifchitz, expert en cybersécurité chez Holiseum et spécialiste en cryptomonnaie. Dans un article qu’il a rédigé, il précise également que « l’essentiel de la production électrique est de toute façon perdu (près de 70 % aux USA en 2019), la consommation énergétique du bitcoin est à côté très négligeable ».
2 – Le bitcoin, ça ne sert à rien
Le principal usage est de stocker de la valeur. C’est la même chose qu’avec l’or sauf que c’est dématérialisé. Le stockage et le « transport » du bitcoin, sur une clé, sont donc moins coûteux et compliqués que celui des lingots. « Contrairement aux monnaies fiduciaires, le bitcoin est une monnaie déflationniste, car il y a un nombre limité d’unités (il n’y aura pas plus de 21 millions d’unités de bitcoin) ; ça ne peut que s’apprécier à long terme. Avec les monnaies fiduciaires, la baisse du pouvoir d’achat a été très élevée », précise Renaud Lifchitz. En 2020 le pouvoir d’achat a baissé de 19 % par rapport à 2009. Dans l’exemple ci-dessous (cf. graphique), 100 dollars en 2009 ne valent plus que 84 dollars 11 ans plus tard à cause de l’inflation. Les cryptomonnaies ne suivent donc pas la logique keynésienne qui préfère que l’argent soit dépensé au plus vite, quitte à s’endetter pour consommer, plutôt que d’épargner en permanence.
3 – Le bitcoin, c’est pour des échanges illicites
Il est souvent associé à la drogue, au blanchiment d’argent et au terrorisme. Mais différentes études, menées notamment par Europol et Chainalysis, montrent au contraire que les usages illicites sont en dessous des 1 %, ce qui est largement inférieur aux pratiques illégales faites avec de la monnaie fiduciaire. Les activités illicites en cryptomonnaies représentent 0,3 % à 3 % des volumes d’échanges selon les études, soit 10 fois moins que les monnaies fiduciaires en pourcentage et 100 à 1 000 fois moins en volume financier !
Cette idée que le « bitcoin est sale » avait été diffusée par les banques qui voyaient d’un mauvais œil l’intérêt grandissant pour le bitcoin. Pourquoi les usages illicites du bitcoin ne sont-ils pas plus répandus ? Pour Renauld Lifchitz, il s’agit d’une « technologie encore jeune qui n’est pas encore bien maîtrisée par des groupes terroristes ou mafieux et qui est facilement traçable ».
« Le bitcoin est une jungle qui tend à devenir une forêt plutôt qu’un coupe-gorge où il n’y aurait que des margoulins et des fraudeurs. Il y a une régulation qui est de plus en plus présente qui n’est pas là pour interdire, mais pour accompagner », insiste maître Hubert de Vauplane, avocat au barreau de Paris, qui co-dirige l’activité FinTech au sein du cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP.
4 – Le bitcoin permet d’être anonyme
C’est faux. Aujourd’hui, la surveillance s’intensifie avec les normes de connaissance du client (KYC) et d’anti-blanchiment (AML) imposées aux plateformes d’échange et autres services, ce qui est en train de créer un vrai fichage de la chaîne.
« Cette régulation s’explique par deux points. Les régulateurs nationaux veulent s’assurer qu’il n’y a pas d’opportunités de blanchiment. Deuxièmement, certaines banques peuvent penser que cela pourrait ébranler le système bancaire », explique maître Hubert de Vauplane.
À terme, la surveillance du bitcoin pourrait mener à une perte de confidentialité pour l’ensemble des utilisateurs. Selon Renaud Lifchitz, « il y a plein d’exemples qui montrent justement que le bitcoin ne garantit pas l’anonymat ». Ce fut le cas récemment avec l‘attaque de ransomware (ou rançongiciel) qui a touché Colonial Pipeline, début mai, et qui a fortement perturbé la distribution de carburants sur la côte est des États-Unis durant une semaine. « Les trois quarts de la rançon ont été retrouvés par le FBI, car les fonds n’étaient pas assez bien protégés par les pirates et parce qu’il y a justement une traçabilité qui est bien meilleure que celle de l’argent fiduciaire. Là aussi, les personnes confondent anonymat et pseudonymat ».
Avec le bitcoin, on a des comptes numérotés comme ceux que nous avons avec notre compte courant et dès qu’on entre ou sort de la blockchain, on passe par un échange qui est connecté au système bancaire et donc il n’y a pas d’anonymat. Une personne qui achète ou vend des cryptomonnaies est donc parfaitement identifiée. C’est ainsi que la police a pu tracer et saisir les fonds de plusieurs centaines de trafiquants.
« Aujourd’hui certaines bandes de cybercriminels utilisent des cryptomonnaies qui assurent une meilleure anonymisation comme Monero et Zcash. Ils évitent un traçage des flux, car on ne voit pas nécessairement l’émetteur, le récepteur et le montant », indique Renaud Lifchitz.
5 – Ça ne deviendra jamais une « vraie monnaie »
Pour maître Hubert de Vauplane, « le bitcoin doit être considéré comme une nouvelle classe d’actifs, au même titre que le bois ou l’or pour lesquels on escompte un rendement, d’où des spéculations. C’est un marché qui a les défauts de sa jeunesse, notamment sa volatilité. Mais elle n’est pas plus impressionnante que celle de certaines matières premières rares ».
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