Le marché lié à l’industrie chimique en Europe est en proie à un scandale d’envergure. Après trois années de recherches menées conjointement par l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) et l’Agence allemande pour l’environnement (UBA), il apparaît que 32 % des substances chimiques présentes sur le marché européen depuis 2010 ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur. Leur rapport indique également que 31 % des substances analysées sont déclarées conformes, et que les 37 % restants n’ont pas pu être convenablement analysées faute de données suffisantes. Les recherches ont été menées sur les 1 814 substances chimiques commercialisées en Europe.
L’une des conséquences directes de cette affaire est de pointer du doigt la réglementation REACH mise en place depuis 2007. Le BfR discute l’efficacité de ce dispositif qui a pour objectif premier de préserver la santé humaine et l’environnement. Or, il y a eu, en tout état de cause, des dysfonctionnements. REACH prévoit normalement que les entreprises fassent répertorier les substances chimiques qu’elles commercialisent par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). En principe, une telle mesure aurait dû suffire pour contrôler les substances utilisées. Il s’avère en réalité que l’ECHA n’est tenue de contrôler que 5 % des dossiers qu’elle reçoit. Voilà un élément qui permet donc de discuter l’efficacité des mesures prises dans le cadre de REACH.
Des substances potentiellement cancérogènes omniprésentes
Les résultats de l’étude ont confirmé la présence en grand nombre de substances reconnues comme étant potentiellement cancérogènes et mutagènes, telles que le bisphénol A ou les phtalates. C’est un réel problème de santé publique car ces substances se retrouvent partout, et notamment dans les emballages alimentaires. Pour le Bureau européen de l’environnement (BEE), qui a rendu l’étude publique, ceci est totalement dû aux industriels qui oublient de « signaler à l’Agence européenne des produits chimiques si leurs substances sont cancérigènes, neurotoxiques, mutagènes, bioaccumulables et/ou nocives pour le développement des enfants, ou pour la fertilité humaine ».
De son côté, l’industrie chimique ne semble pas étonnée. L’union des syndicats professionnels France Chimie juge ces révélations « non surprenantes », avant d’ajouter que cette situation est liée à l’évolution de la réglementation REACH. Ainsi, France Chimie semble vouloir limiter la responsabilité de l’industrie en rappelant que les critères de conformité de la réglementation européenne se sont durcis en dix ans. Cependant, la fédération concède que l’industrie chimique doit faire des efforts en termes d’enregistrement des substances employées. À l’heure actuelle, cela semble être la seule solution pour protéger la santé des citoyens européens.
Les anti-pesticides enragent au niveau politique
Au Parlement européen, la nouvelle venue du BEE fait grincer des dents. Michèle Rivasi, la députée européenne et coordinatrice de la Commission PEST, tire à boulets rouges sur une industrie qu’elle n’hésite pas à qualifier de brigande. « Défaillance généralisée des pouvoirs publics et manquements graves à leurs obligations face à une industrie de gangsters, voilà en substance les ingrédients de ce nouveau scandale qui s’apparente à un remake du Dieselgate pour l’industrie chimique », déclare-t-elle en faisant ainsi référence au scandale qui avait touché Volkswagen en 2015.
Pour Michèle Rivasi, il est évident que l’industrie chimique ne prend pas assez en compte les problématiques liées à la santé. Elle aimerait que les professionnels ne voient plus les réglementations comme des « charges administratives entravant la compétitivité ». La députée européenne souhaiterait que la santé des Européens et la préservation de l’environnement soient les préoccupations premières des industriels, et que l’innovation aille en ce sens.
Matthieu Combe, journaliste scientifique
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