Samedi 24 avril, se tiendra la journée mondiale de la corrosion. Instituée par la WCO il y a une dizaine d’années sous le titre « Corrosion awareness day» (journée de sensibilisation à la corrosion, en traduction littérale), cette journée mondiale de la corrosion est destinée à sensibiliser les décideurs et le grand public aux phénomènes de corrosion et à les mobiliser pour lutter contre la corrosion. Peu relayée en Europe, cette journée est pratiquement invisible actuellement en France. Damien Féron, président de l’EFC (Fédération Européenne de Corrosion) et vice-président de la WCO (World Corrosion Organisation), revient ici sur l’importance de cette journée.
Techniques de l’Ingénieur : Pourquoi créer une journée mondiale de la corrosion ?
Damien Féron : La corrosion dégrade chaque jour un peu plus les infrastructures, les usines, les installations de production, y compris d’électricité, les moyens de transport etc., inexorablement et sans qu’on y prête attention, sauf en cas de catastrophe comme l’effondrement d’un pont. Il est temps de se mobiliser pour faire face à ces phénomènes de corrosion. Il est important surtout d’attirer l’attention des décideurs, qu’ils soient industriels ou politiques, sur ces dégradations continues qui mettent des années à se manifester mais qu’il est souvent trop tard de traiter une fois identifiées.
A quel niveau faut-il agir ?
Les dernières études sur le coût direct de la corrosion conduisent à des chiffres alarmants : c’est au moins 3,5% du produit intérieur brut de pays industrialisés et beaucoup plus encore pour les autres. Soit pour un pays comme la France, un coût d’environ 80 milliards d’euros en 2017. Et ce n’est que le coût direct. Il n’inclue pas les conséquences environnementales, les pertes de production ni les dommages aux personnes. En contrepartie, les experts estiment qu’au moins 25% de cette somme pourrait être économisé en appliquant simplement les règles et connaissances liées à la corrosion, connues souvent depuis longtemps. Dans son ouvrage La tour de 300m, Gustave Eiffel déjà précisait : « On ne saurait trop se pénétrer du principe que la peinture est l’élément essentiel de la conservation d’un ouvrage métallique et que les soins qui y sont apportés sont la seule garantie de sa durée ». Dès sa construction, la Tour Eiffel a été ainsi protégée, et ce travail de peinture est refait régulièrement, tous les 5 à 7 ans. Il est dommage qu’une telle rigueur ne soit pas appliquée systématiquement à toute structure métallique d’importance, en particulier les ponts métalliques qu’ils soient routiers ou ferroviaires. Aujourd’hui d’autres formes de protection peuvent être mises en œuvre pour les ouvrages immergés ou enterrés comme la protection cathodique avec anode sacrificielles ou par courant imposé, à titre d’exemple.
Pourquoi une journée à l’échelle mondiale ?
La corrosion ne connaît pas de frontière : les pollutions d’un pays retombent sous forme de pluies acides sur un autre. Il ne suffit plus seulement que les professionnels de la corrosion échangent et collaborent. Cela se fait depuis de nombreuses années au travers de sociétés savantes telles que le CEFRACOR en France, la NACE devenue AMPP en 2020 aux Etats-Unis, ou encore au niveau européen la Fédération Européenne de Corrosion (EFC) qui regroupe plus de 30 membres dont près de 20 sociétés savantes européennes, et au niveau international, l’International Corrosion Council (ICC).
Quelles sont les actions les plus urgentes à mener ?
Il est temps d’agir, temps de mobiliser tous les acteurs pour faire connaitre les enjeux et les conséquences sociétales résultant de la corrosion. Nous disposons aujourd’hui des outils efficaces et des moyens scientifiques et techniques nécessaires pour lutter contre ces phénomènes de corrosion. Il faut également sensibiliser le grand public et les décideurs dans les instances territoriales, gouvernementales ou dans les organismes professionnels sur l’importance de ces phénomènes de corrosion, leur coût à ne pas les traiter et les économies générées par une mise en œuvre correcte des mesures d’anti-corrosion. C’est la mission de la WCO, World Corrosion Organisation, organisation non gouvernementale reconnue par les Nations-Unies. Cette mission inclut la promotion de l’éducation et des meilleurs pratiques dans le contrôle et la prévention des phénomènes de corrosion pour le bénéfice socio-économique de la société, pour la préservation des ressources et la protection de l’environnement.
Comment va s’organiser cette journée ?
Voici un bref aperçu des événements liés à cette journée, qui montrent que notre communauté est active, imaginative et pleine de ressources, malgré la crise du COVID-19 :
- L’initiative de la jeune EFC d’un certificat de participation, augmentant la visibilité du chercheur, des groupes de laboratoires participant à l’événement
- Le premier spectacle de théâtre sur la corrosion qui est prévu le 23 avril à Arles
- L’initiative de Techniques de l’Ingénieur de donner un accès gratuit, autour de la journée de sensibilisation à la corrosion, à cinq articles d’ingénierie traitant de la corrosion nucléaire, de la corrosion en eau de mer, des revêtements, des inhibiteurs et de la tribocorrosion (voir le lien sur le site du WCO)
- Un forum payant est prévu en collaboration avec 2021 NACE Corrosion sur « la corrosion dans les énergies à faible teneur en carbone (énergies renouvelables, nucléaire et capture du carbone) – problèmes et solutions » le 26 avril. Il est demandé de s’inscrire au congrès NACE 2021 Corrosion.